Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je vois plus de ſoupçons ici que de témoins.
On dirait, à vous voir aſſemblés en tumulte,
Que Rome des gaulois craigne encore une inſulte,
Et qu’un autre Annibal va marcher ſur leurs pas.
Où ſont des conjurés les chefs et les ſoldats ?
Les fureurs de Caton et ſon impatience
Dans le ſein du ſénat ſemant la défiance,
On accuſe à la fois Cépion, Lentulus,
Dolabella, Céſar, et moi-même Craſſus :
Voyez de vos conſeils juſqu’où va l’imprudence ;
On craint Catilina, cependant on l’offenſe ;
Mais plus vous le craignez, plus il faut ménager
Un homme et des amis qui pourraient le venger.
Et quel eſt, dites-moi, le témoin qui l’accuſe ?
Une femme jalouſe et que l’amour abuſe,
Qui, ſur les vains ſoupçons d’une infidélité,
Veut ſurprendre à ſon tour votre crédulité ;
Qui, ſans pudeur livrée à l’ardeur qui l’entraîne,
Invente des complots pour flatter votre haine.
Si je plains l’accuſé, c’eſt parce qu’on le hait :
Voilà le ſeul témoin qui prouve ſon forfait ;
Car la haine a ſouvent fait plus de faux coupables
Qu’un penchant malheureux n’en fait de véritables :
Je dis plus ; et quand même il ſerait criminel,
Faut-il comme Caton être toujours cruel ?
Dans ſon ſang le plus pur voulez-vous noyer Rome ?