Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/253

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Je ſentis malgré moi l’amour de la patrie
S’armer pour des cruels indignes de la vie.
Aujourd’hui, que tout doit raſſurer les eſprits,
Une femme en fureur les trouble par ſes cris ;
À ſes tranſports jaloux tout s’alarme, tout tremble,
Et c’eſt pour les ſervir que le ſénat s’aſſemble !
C’eſt ſur ſes vains rapports qu’un homme impétueux
Veut perdre ce que Rome eut de plus vertueux ;
Orgueilleux citoyen, dont l’auſtère ſagesse
Eſt moins principe en lui qu’un fruit de ſa rudeſſe ;
Tyran républicain, qui, malgré ſa vertu,
Eſt le plus dangereux que Rome ait jamais eu :
Par lui ſeul d’entre nous la concorde eſt bannie ;
C’eſt lui qui, du ſénat détruiſant l’harmonie,
Fomente la chaleur de nos diviſions,
Et nous force d’avoir recours aux factions.
Mais il veut gouverner ; eh bien ! Qu’il vous gouverne ;
Qu’il triomphe à ſon gré d’un ſénat ſubalterne,
Qui, lâche déſerteur de ſon autorité,
N’en a plus que l’orgueil pour toute dignité.
Et quel eſt aujourd’hui l’ordre de vos comices ?
Le tumulte et l’effroi n’en ſont que les prémices :
De chaque élection le meurtre eſt le ſignal ;
Vos préteurs égorgés au pied du tribunal,
Un conſul tout ſanglant, mais trop juſte victime
D’un peuple malheureux qu’à ſon tour il opprime :