Page:Œuvres de Robespierre.djvu/217

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terrible pouvoir vous vous arrogez sur l’humanité ! Où sera le terme de vos proscriptions ?

Mais est-ce bien sur ceux qui ne paient point le marc d’argent qu’elles doivent tomber, ou sur ceux qui paient beaucoup au delà ? Oui, en dépit de toute prévention en faveur des vertus que donne la richesse, j’ose croire que vous en trouverez autant dans la classe des citoyens les moins aisés que dans celle des plus opulens. Croyez-vous de bonne foi qu’une vie dure et laborieuse enfante plus de vices que la mollesse, le luxe et l’ambition ? et avez-vous moins de confiance dans la probité de nos artisans et de nos laboureurs, qui, suivant votre tarif, ne seront presque jamais citoyens actifs, que dans celle des traitants, des courtisans, de ceux que vous appelez grands seigneurs, qui, d’après le même tarif, le seraient six cents fois ? Je veux venger une fois ceux que vous nommez le peuple de ces calomnies sacrilèges.

Êtes-vous donc faits pour l’apprécier, et pour connaître les hommes, vous qui, depuis que votre raison s’est développée, ne les avez jugés que d’après les idées absurdes du despotisme et de l’orgueil féodal ; vous qui, accoutumés au jargon bizarre qu’il a inventé, avez trouvé simple de dégrader la plus grande partie du genre humain par les mots de canaille, de populace, vous qui avez révélé au monde qu’il existait des gens sans naissance, comme si tous les hommes qui vivent n’étaient pas nés ; des gens de rien qui étaient des hommes de mérite, et d’honnêtes gens, des gens comme il faut, qui étaient les plus vils et les plus corrompus de tous les hommes ? Ah ! sans doute, on peut vous permettre de ne pas rendre au peuple toute la justice qui lui est due. Pour moi, j’atteste tous ceux que l’instinct d’une âme noble et sensible a rapprochés de lui et rendus dignes de connaître et d’aimer l’égalité, qu’en général il n’y a rien d’aussi juste ni d’aussi bon que le peuple, toutes les fois qu’il n’est point irrité par l’excès de l’oppression ;