Page:Œuvres de Robespierre.djvu/222

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réduits à la faculté d’élire sans pouvoir être eux-mêmes nommés aux emplois que donne la confiance des citoyens, ne s’empresseront pas d’abandonner leurs affaires et leurs familles pour fréquenter des Assemblées où ils ne peuvent porter ni les mêmes espérances ni les mêmes droits que les citoyens plus aisés, à moins que plusieurs d’entre eux ne s’y rendent pour vendre leurs suffrages. Elles resteront abandonnées à un petit nombre d’intrigants qui se partageront toutes les magistratures, et donneront à la France des juges, des administrateurs, des législateurs. Des législateurs réduits à sept cent cinquante pour un si vaste empire ! qui délibéreront environnés de l’influence d’une cour armée des forces publiques, et du pouvoir de disposer d’une multitude de grâces et d’emplois, et d’une liste civile qui peut être évaluée au moins à trente-cinq millions. Voyez-la, cette cour, déployant ses immenses ressources dans chaque Assemblée, secondée par tous ces aristocrates déguisés, qui, sous le masque du civisme, cherchent à capter les suffrages d’une nation encore trop idolâtre, trop frivole, trop peu instruite de ses droits, pour connaître ses ennemis, ses intérêts et sa dignité ; voyez-la essayer ensuite son fatal ascendant sur ceux des membres du Corps Législatif qui ne seront point arrivés corrompus d’avance et voués à ses intérêts ; voyez-la se jouer du destin de la France, avec une facilité qui n’étonnera pas ceux qui depuis quelque temps suivent les progrès de son esprit dangereux et de ses funestes intrigues ; et préparez–vous à voir insensiblement le despotisme tout avilir, tout dépraver, tout engloutir ; ou bien hâtez-vous de rendre au peuple tous ses droits, et à l’esprit public toute la liberté dont il a besoin pour s’étendre et pour se fortifier.

Je finis cette discussion : peut-être même aurais-je pu m’en dispenser ; peut-être aurais-je dû examiner, avant tout, si ces dispositions que j’attaquais existent en effet, si elles sont de véritables lois.