Page:Œuvres de Robespierre.djvu/247

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pourra-t-il pas rendre à la cour ? C’est alors qu’on fera une guerre plus sérieuse aux véritables amis de la liberté, et que le système perfide de l’égoïsme et de l’intrigue triomphera. L’esprit public une fois corrompu, alors jusqu’où le pouvoir exécutif et les factieux qui le serviront ne pourront-ils pas pousser leurs usurpations ? Il n’aura pas besoin de compromettre le succès de ses projets par une précipitation imprudente ; il ne se pressera pas peut-être de proposer le plan de transaction dont on a déjà parlé : soit qu’il s’en tienne à celui-là, soit qu’il en adopte un autre, que ne peut-il pas attendre du temps, de la langueur, de l’ignorance, des divisions intestines, des manœuvres de la nombreuse cohorte de ses affidés dans le corps législatif, de tous les ressorts enfin qu’il prépare depuis si longtemps ?

Nos généraux, dites-vous, ne nous trahiront pas ; et si nous étions trahis, tant mieux ! Je ne vous dirai pas que je trouve singulier ce goût pour la trahison, car je suis en cela parfaitement de votre avis. Oui, nos ennemis sont trop habiles pour nous trahir ouvertement, comme vous l’entendez ; l’espèce de trahison que nous avons à redouter, je viens de vous la développer : celle-là n’avertit point la vigilance publique ; elle prolonge le sommeil du peuple jusqu’au moment où on l’enchaîne ; celle-là ne laisse aucune ressource ; celle-là… Tous ceux qui endorment le peuple en favorisent le succès, et, remarquez bien que pour y parvenir, il n’est pas même nécessaire de faire sérieusement la guerre ; il suffit de nous constituer sur le pied de guerre ; il suffit de nous entretenir de l’idée d’une guerre étrangère : n’en recueillit-on d’autre avantage que les millions qu’on se fait compter d’avance, on n’aurait pas tout à fait perdu sa peine. Ces vingt millions, surtout dans le moment où nous sommes, ont au moins autant de valeur que les adresses patriotiques où l’on prêche au peuple la confiance et la guerre.

Je décourage la nation, dites-vous ; non, je l’éclaire ;