Page:Œuvres de Robespierre.djvu/269

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philosophie, ou dans les circonstances particulières de notre situation politique. On peut examiner ce qui est bon et utile aujourd’hui, et ce qui ne le sera que demain ; on peut raisonner enfin, ou en philosophes spéculatifs, ou en philosophes hommes d’État.

Je laisse à la superstition et à la métaphysique tout ce qui leur appartient à chacune dans cette question, et je m’attache à prouver 1o que l’opération qu’on vous propose, est mauvaise en révolution, dangereuse en politique, et qu’elle n’est même pas bonne en finances.

Ce n’est pas une faible preuve des progrès de la raison humaine, que l’embarras que j’éprouve à traiter cette question, et l’espèce de nécessité où je crois me trouver de faire une profession de foi qui, dans d’autres temps ou dans d’autres lieux, n’aurait pas été impunie. Mon Dieu, c’est celui qui créa tous les hommes pour l’égalité et pour le bonheur ; c’est celui qui protège les opprimés et qui extermine les tyrans ; mon culte, c’est celui de la justice et de l’humanité ! Je n’aime pas plus qu’un autre le pouvoir des prêtres ; c’est une chaîne de plus donnée à l’humanité. Mais c’est une chaîne invisible attachée aux esprits, et la raison seule peut la rompre. Le législateur peut aider la raison ; mais il ne peut la suppléer. Il ne doit jamais rester en arrière ; il doit encore moins la devancer trop vite.

Commencez donc par fixer vos regards sur les dispositions générales du peuple que vous devez instituer. Si vous les bornez à l’horizon qui vous environne, peut-être croirez-vous pouvoir tout faire ; mais si vous embrassez la nation tout entière, si vous pénétrez surtout sous le toit du laboureur et de l’artisan, vous reconnaîtrez sans doute qu’il est des bornes à votre puissance morale.

Pour moi, sous le rapport des préjugés religieux, notre situation me paraît très-heureuse, et l’opinion publique très-avancée. L’empire de la superstition est presque détruit ; déjà c’est moins le prêtre qui est un objet de vénéra-