Page:Œuvres de Robespierre.djvu/270

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tion, que l’idée de la religion, et l’objet même du culte. Déjà le flambeau de la philosophie, pénétrant jusqu’aux conditions les plus éloignées d’elle, a chassé tous les redoutables ou ridicules fantômes que l’ambition des prêtres et la politique des rois nous avait ordonné d’adorer au nom du ciel ; et il ne reste plus guère dans les esprits que ces dogmes imposants qui prêtent un appui aux idées morales, et la doctrine sublime et touchante de la vertu et de l’égalité que le fils de Marie enseigna jadis à ses concitoyens. Bientôt sans doute l’évangile de la raison et de la liberté sera l’évangile du monde.

Législateurs, vous pouvez hâter cette époque par des lois générales, par une constitution libre qui éclaire les esprits, régénère les mœurs, et élève toutes les âmes à la simplicité de la nature ; mais non par un décret de circonstances et par une spéculation financière. Si le peuple est dégagé de la plupart des préjugés superstitieux il n’est point disposé à regarder la religion en elle-même comme une institution indifférente ou soumise aux calculs de la politique. Le dogme de la divinité est gravé dans les esprits, et ce dogme, le peuple le lie au culte qu’il a professé jusques ici ; et à ce culte, il lie au moins en partie le système de ses idées morales. Attaquer directement ce culte, c’est attenter à la moralité du peuple. Qu’une société de philosophes fonde la sienne sur d’autres bases, on le conçoit, mais les hommes qui, étrangers à leurs méditations profondes, ont appris à confondre les motifs de la vertu avec les principes de la religion, ne peuvent voir sans effroi le culte sacrifié par le gouvernement à des intérêts d’une autre nature. Si le peuple en agissait autrement, ce ne serait qu’aux dépens de ses mœurs ; car quiconque renonce, par cupidité, même à une erreur qu’il regarde comme une vérité, est déjà corrompu. Or, rappelez-vous que votre révolution est fondée sur les notions de la justice, et que tout ce qui tend à affaiblir le sentiment moral du peuple, en énerve le ressort.