Page:Œuvres de Robespierre.djvu/271

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Songez que le premier but des ennemis hypocrites de l’égalité fut toujours de l’étouffer, et que votre premier devoir est de l’éveiller et de l’exalter. Si vous voulez être heureux et libres, il faut que le peuple croie à sa propre vertu ; il faut qu’il croie à celle de ses représentants ; il ne suffit pas qu’il dise : « Mes représentants sont économes ; » il faut qu’il dise : « Mes représentants sont justes et intègres », et il n’aura pas de vous cette idée, s’il vous voit immoler à des intérêts pécuniaires, des objets qu’il regarde comme sacrés. Ne dédaignez pas de vous rappeler avec quelle sagesse les plus grands législateurs de l’antiquité, ceux qui fondèrent l’empire des lois sur l’empire des mœurs, surent manier ces ressorts cachés du cœur humain ; avec quel art sublime, ménageant la faiblesse ou les préjugés de leurs concitoyens, ils consentirent à faire sanctionner par le ciel l’ouvrage de leur génie tutélaire ! D’autres temps, d’autres mœurs ; je le sais, mais chaque siècle a ses erreurs et sa faiblesse ; et quel que soit notre enthousiasme, nous ne sommes point encore arrivés aux bornes de la raison et de la vertu humaines, et nos neveux nous trouveront peut-être encore assez encroûtés d’un reste d’ignorance et de barbarie. Ce n’est pas que je croie que vous deviez employer de semblables moyens, ni que je vous conseille de respecter les préjugés, même les plus respectables par leur principe et par leurs conséquences. Mais attendez le moment où les bases sacrées de la moralité publique pourront être remplacées par les lois, par les mœurs et par les lumières publiques. Jusques-là, consolez-vous en songeant que ce que la superstition avait de plus dangereux a disparu ; que la religion, dont les ministres sont stipendiés encore par la patrie, nous présente au moins une morale analogue à nos principes politiques. Si la déclaration des droits de l’humanité était déchirée par la tyrannie, nous la retrouverions encore dans ce code religieux que le despotisme sacerdotal présentait à notre vénération ; et s’il faut qu’aux frais de la société en-