Page:Œuvres de Robespierre.djvu/68

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que comme il est armé d’un grand pouvoir, il est bien plus dangereux de ne pas réprimer ses attentats. Le roi est inviolable, dites-vous : il ne peut pas être puni : telle est la loi… Vous vous calomniez vous-mêmes ! Non, jamais vous n’avez décrété qu’il y eût un homme au-dessus des lois, un homme qui pourrait impunément attenter à la liberté, à l’existence de la nation, et insulter paisiblement, dans l’opulence et dans la gloire, au désespoir d’un peuple malheureux et dégradé ! Non, vous ne l’avez pas fait : si vous aviez osé porter une pareille loi, le peuple français n’y aurait

    qui m’empêchera d’être témoin des maux que je vois inévitables. » — Camille Desmoulins, qui rapporte ce discours dans les Révolutions de France et de Brabant, ajoute qu’alors il se leva les yeux pleins de larmes, en s’écriant : « Nous mourrons tous avant toi, » et toute l’assemblée entraînée comme lui par un mouvement involontaire fit un serment de se rallier autour de Robespierre. — À partir du 21 juin se dessine vraiment le rôle politique de Robespierre : il se sépare des constitutionnels, il s’identifie dans la cause du peuple mais on peut dire aussi qu’il identifie à la cause du peuple, ses propres sentiments. « Dans ces journées, dit M. Edgar Quinet dans son livre : la Révolution, je crois surprendre le fond de la nature de Robespierre. Il fit alors ce qu’il a fait dans toutes les occasions où il fallait agir : il vit partout des traîtres. Ses discours, encore contenus dans l’Assemblée, sont d’autant plus effarés au dehors. Il dénonce, aux clubs, tous ses collègues de la Constituante. S’il eut pu le 22 juin 1791, mettre ses paroles en pratique, en sortant des Jacobins il aurait dû faire arrêter tous les membres de l’Assemblée et les mener à l’échafaud, puisqu’il les tenait pour complices. Ainsi le principe de terreur qu’il contenait en lui se manifeste à ce moment. Terreur sans motif, sans fondement, sans raison comme l’événement le montra le lendemain. Mais cette même crise de panique que Robespierre a subie par l’évasion du roi, il la subira plus tard en d’autres circonstances ; et, devenu alors plus puissant, il pourra alors réaliser ses paroles et ses menaces, sans qu’il soit mieux démontré que l’établissement de la Terreur ait eu sa nécessité ailleurs que dans l’esprit ébranlé et les imaginations ombrageuses de celui qui lui a donné son nom. »