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la vie de spinoza.

une pension viagère qui suffirait pour sa subsistance, et cette clause fut aussi fidèlement exécutée. Mais ce qu’il y a de particulier, c’est qu’en conséquence on offrit à Spinoza une pension de 500 florins, qu’il n’accepta pas, parce qu’il la trouvait trop considérable, de sorte qu’il la réduisit à 300. Cette pension lui fut payée régulièrement pendant sa vie ; et après sa mort le même de Vries de Schiedam eut soin de faire encore payer au sieur Van der Spyck ce qui pouvait lui être dû par Spinoza, comme il paraît par la lettre de Jean Rieuwertz, imprimeur de la ville d’Amsterdam, employé dans cette commission : elle est datée du 6 mars 1678 et adressée à Van der Spyck même.

On peut encore juger du désintéressement de Spinoza par ce qui se passa après la mort de son père. Il s’agissait de partager sa succession entre ses sœurs et lui, à quoi il les avait fait condamner par justice, quoiqu’elles eussent mis tout en pratique pour l’en exclure. Cependant, quand il fut question de faire le partage, il leur abandonna tout, et ne réserva pour son usage qu’un seul lit, qui était à la vérité fort bon, et le tour de lit qui en dépendait.

IL EST CONNU DE PLUSIEURS PERSONNES DE GRANDE CONSIDÉRATION.

Spinoza n’eut pas plutôt publié quelques-uns de ses ouvrages, qu’il se fit un grand nom dans le monde parmi les personnes les plus distinguées, qui le regardaient comme un beau génie et un grand philosophe. M. Stoupe, lieutenant-colonel d’un régiment suisse au service du roi de France, commandait dans Utrecht en 1673. Il avait été auparavant ministre de la Savoie à Londres, dans les troubles d’Angleterre, au temps de Cromwell ; il devint dans la suite brigadier, et ce fut en faisant les fonctions de cette charge qu’il fut tué à la bataille de Steinkerque. Pendant qu’il était à Utrecht il fit un livre qu’il intitula la Religion des Hollandais, où il reproche, entre autres choses, aux théologiens réformés, qu’ils avaient vu imprimer sous leurs yeux en 1670 le livre qui porte pour titre Tractatus theologico-politicus, dont Spinoza se déclare l’auteur en sa dix-neuvième lettre, sans cependant s’être mis en peine de le réfuter ou d’y répondre. C’est ce que M. Stoupe avançait. Mais le célèbre Braunius, professeur dans l’université de Groningue, a fait voir le contraire dans un livre qu’il fit imprimer