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la vie de spinoza.

l’intituler De Regtzinnige Theologant, of Godgeleerde Staattkunde : le Théologien judicieux et politique. Spinoza dit nettement qu’il en est l’auteur, dans sa dix-neuvième lettre, adressée à Oldenbourg ; il le prie, dans cette lettre même, de lui proposer les objections que les personnes savantes formaient contre son livre ; car il avait alors dessein de le faire réimprimer et d’y ajouter des remarques. Au bas du titre du livre, on a trouvé bon de marquer que l’impression en avait été faite à Hambourg, chez Henri Conrad. Cependant il est certain que ni le magistrat, ni les vénérables ministres de Hambourg n’ont jamais souffert que tant d’impiétés eussent été imprimées et débitées publiquement dans leur ville.

Il n’y a point de doute que ce livre fut imprimé à Amsterdam, chez Christophe Conrad, imprimeur, sur le canal de l’Églantir. En 1679, étant appelé en cette ville-là pour quelques affaires, Conrad même m’apporta quelques exemplaires de ce Traité et m’en fit présent, ne sachant pas combien c’était un ouvrage pernicieux.

Le traducteur hollandais a pareillement jugé à propos d’honorer la ville de Brême d’une si digne production, comme si sa traduction y fût sortie de dessous la presse de Hans Jurgen Van der Weyl, en l’année 1694. Mais ce qui est dit de ces impressions de Brême et de Hambourg est également faux, et l’on n’eût pas manqué de trouver les mêmes difficultés dans l’une et dans l’autre de ces deux villes, si on eût entrepris d’y imprimer et publier de pareils ouvrages. Philopater, dont nous avons déjà fait mention, dit ouvertement dans la suite de sa Vie, page 231, que le vieux Jean Hendrikzen Glasemaker, que j’ai fort bien connu, a été le traducteur de cet ouvrage ; et il nous assure en même temps qu’il avait aussi traduit en hollandais les Œuvres posthumes de Spinoza, publiées en 1677. Il fait au reste un si grand cas de ce Traité de Spinoza et l’élève si haut, qu’il semble que le monde n’ait jamais vu son pareil. L’auteur, ou du moins l’imprimeur de la suite de la Vie de Philopater, Aard Wolsgryck, ci-devant libraire à Amsterdam, sur le coin du Rosmaryn-Steeg, fut puni de cette insolence comme il le méritait, et confiné dans la maison de correction, où il fut condamné pour quelques années. Je souhaite de tout mon cœur qu’il ait plu à Dieu de lui toucher le cœur pendant le séjour qu’il a fait en ce lieu, et qu’il en soit