Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

amour devient de l’amour ; et cet amour est plus grand que s’il n’eût pas été précédé par la haine.

Démonstration : Elle procède de la même manière que celle de la Propos. 38, partie 3. Celui en effet qui commence à aimer l’objet qu’il haïssait, c’est-à-dire l’objet qu’il apercevait habituellement avec tristesse, se réjouit, par cela seul qu’il aime ; et, à cette joie que l’amour enveloppe (voyez la Déf. de l’amour dans le Schol. de la Propos. 13, partie 3), s’en joint une autre, celle qui résulte de ce que l’effort pour écarter la tristesse, effort que la haine enveloppe toujours (comme on l’a montré dans la Propos. 37, partie 3), vient à être favorisé, l’idée de celui qu’on haïssait se joignant en même temps à notre joie, comme cause de cette joie même. C. Q. F. D.

Scholie : Quoique les choses se passent de cette façon, personne cependant ne s’efforcera de prendre un objet en haine, c’est-à-dire d’éprouver de la tristesse, pour jouir ensuite d’une joie plus grande ; personne, en d’autres termes, ne désirera qu’on lui cause un dommage, dans l’espoir d’en être dédommagé, ni d’être malade, dans l’espoir de la guérison. Car chacun s’efforce toujours, autant qu’il est en lui, de conserver son être et d’écarter de lui la tristesse. Que si l’on pouvait concevoir le contraire, je veux dire qu’un homme vînt à désirer de prendre un objet en haine, afin de l’aimer ensuite davantage, il s’ensuivrait qu’il désirerait donc toujours de le haïr ; car plus la haine serait grande, plus grand serait l’amour ; et par conséquent il désirerait toujours que la haine devînt de plus en plus grande : et, à ce compte, un homme s’efforcerait d’être de plus en plus malade, afin de jouir ensuite d’une joie plus grande à son rétablissement, et en conséquence, il s’efforcerait toujours d’être malade, ce qui est absurde (par la Propos. 6, partie 3).


PROPOSITION XLV

Nous ressentirons de la haine pour un de nos semblables, s’il en a lui-même pour un autre que nous aimons.