Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/149

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Démonstration : L’objet qu’on aime, en effet, hait à son tour celui qui le hait (en vertu de la Propos. 40, partie 3) ; et par conséquent l’amant, en songeant qu’une personne a de la haine pour l’objet aimé, imaginera par cela même l’objet aimé comme saisi de haine, et partant, de tristesse (par le Schol. de la Propos. 13, partie 3) ; l’amant sera donc attristé (par la Propos. 21, partie 3), et se représentera en même temps l’idée de celui qui hait l’objet aimé, comme étant la cause de sa propre tristesse, ce qui revient à dire (par le Schol. de la Propos. 13, partie 3) qu’il le haïra. C. Q. F. D.


PROPOSITION XLVI

Si nous avons été affectés d’une impression de tristesse ou de joie par une personne d’une autre classe ou d’une autre nation que la notre, et si l’idée de cette personne, sous le nom commun de sa classe ou de sa nation, accompagne notre tristesse ou notre joie comme étant la cause même qui la produit, nous éprouverons de la haine ou de l’amour non seulement pour cette personne, mais encore pour toutes celles de sa classe ou de sa nation.

Démonstration : La démonstration de cette proposition suit évidemment de la Propos. 16, partie 3.


PROPOSITION XLVII

La joie qui provient de ce que nous imaginons que l’objet détesté est détruit ou altéré de quelque façon n’est jamais sans mélange de tristesse.

Démonstration : Cela est évident par la Propos. 27, partie 3, car en tant que nous imaginons qu’un objet qui nous est semblable est dans la tristesse, nous sommes nous mêmes contristés.

Scholie : Cette proposition se peut aussi démontrer par le Corollaire de la Propos. 17, partie 2. Chaque fois, en effet, que nous nous souvenons d’une chose, quoiqu’elle n’existe pas actuellement, nous la considérons comme présente, et le corps est affecté de la même façon que si elle était présente en effet. C’est pourquoi, tant qu’il garde mémoire d’une chose qu’il hait, l’homme est déterminé à la considérer avec tristesse ; et l’image de la chose continuant de subsister, cette détermination est