Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui soit étrangère à sa nature et propre à une nature différente ; et ainsi notre désir ne se trouvera point empêché, en d’autres termes (par le Schol. de la Propos. 11, partie 3) nous ne serons point attristés quand nous apercevrons quelque vertu en une personne qui ne nous ressemble pas, et nous n’éprouverons pour elle aucune envie. Il en arrivera tout autrement s’il s’agit d’un de nos égaux, puisque, par hypothèse, il y a dès lors entre lui et nous ressemblance de nature. C. Q. F. D.

Scholie : Lors donc que nous avons dit, dans le Schol. de la Propos. 52, partie 3, que notre vénération pour un homme vient de ce que nous admirons sa prudence, sa force d’âme, etc., il est bien entendu (et cela résulte de la Propos. elle-même) que nous nous représentons alors ces vertus, non pas comme communes à l’espèce humaine, mais comme des qualités exclusivement propres à celui que nous vénérons ; et de là vient que nous ne les lui envions pas plus que nous ne faisons la hauteur aux arbres et la force aux lions.


PROPOSITION LVI

Autant il y a d’espèces d’objets qui nous affectent, autant il faut reconnaître d’espèces de joie, de tristesse et de désir, et en général de toutes les passions qui sont composées de celles-là, comme la fluctuation, par exemple, ou qui en dérivent, comme l’amour, la haine, l’espérance, la crainte, etc.

Démonstration : La joie et la tristesse, et conséquemment toutes les affections qui en sont composées ou qui en dérivent, sont des affections passives (par le Schol. de la Propos. 11, partie 3). Or, nous éprouvons nécessairement ce genre d’affection (par la Propos. 1, partie 3) en tant que nous avons des idées inadéquates ; et nous ne les éprouvons qu’en tant que nous avons de telles Idées (par la Propos. 3, partie 3) ; en d’autres termes (voyez le Schol. de la Propos. 40, partie 2), notre âme ne pâtit qu’en tant qu’elle imagine, ou en tant qu’elle est affectée (voyez la Propos. 17, partie 2, avec son Schol.) d’une passion qui enveloppe la nature de notre corps et celle d’un corps exté