Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/170

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notre dérision est cependant aussi l’objet de notre haine, il s’ensuit que cette joie n’est pas une joie solide. (Voy. le Schol. de la Propos. 47, partie 3.).


DÉFINITION XII

L’espérance est une joie mal assurée qui provient de l’idée d’une chose future ou passée dont l’événement nous laisse quelque doute.


DÉFINITION XIII

La crainte est une tristesse mal assurée qui provient de l’idée d’une chose future ou passée dont l’événement nous laisse quelque doute.

Explication : Il suit de ces définitions qu’il n’y a pas d’espérance sans crainte, ni de crainte sans espérance En effet, celui dont le cœur est suspendu à l’espérance et qui doute que l’événement soit d’accord avec ses désirs, celui-là est supposé se représenter certaines choses qui excluent celle qu’il souhaite, et par cet endroit il doit être saisi de tristesse (par la Propos. 19, partie 3) ; par conséquent, au moment où il espère, il doit en même temps craindre. Au contraire, celui qui est dans la crainte, c’est-à-dire dans l’incertitude d’un événement qu’il déteste, doit aussi se représenter quelque chose qui en exclue l’existence ; et par suite (par la Propos. 20, part. 3), il éprouve de la joie : d’où il s’ensuit que par cet endroit il a de l’espérance.


DÉFINITION XIV

La sécurité est un sentiment de joie qui provient de l’idée d’une chose future ou passée sur laquelle toute cause d’incertitude est disparue.


DÉFINITION XV

Le désespoir est un sentiment de tristesse qui provient de l’idée d’une chose future ou passée sur laquelle toute cause d’incertitude est disparue.

Explication : La sécurité naît donc de l’espérance, et le désespoir de la crainte, dès que nous n’avons plus de cause d’incertitude sur l’objet désiré ou redouté ; et cela arrive quand l’imagination nous fait regarder une chose passée ou future comme présente, ou bien nous représente d’autres objets qui excluent l’existence de ceux qui nous causaient de l’incertitude. En effet, bien que nous ne puissions jamais (par le Corollaire de la Propos. 31, partie 2) être certains de l’avenir touchant les choses particulières, il peut arriver toutefois que nous