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QUATRIÈME PARTIE.

DE L'ESCLAVAGE DE L'HOMME OU DE LA FORCE DES PASSIONS



Ce que j’appelle esclavage, c’est l’impuissance de l’homme à gouverner et à contenir ses passions. L’homme en effet, quand il est soumis à ses passions, ne se possède plus ; livré à la fortune, il en est dominé à ce point que tout en voyant le mieux il est souvent forcé de faire le pire. J’ai dessein d’exposer dans cette quatrième partie la cause de cet esclavage, et de dire aussi ce qu’il y a de bon et ce qu’il y a de mauvais dans les passions. Mais avant d’entrer en matière, il convient de dire quelques mots sur la perfection et l’imperfection, ainsi que sur le bien et le mal.

Celui qui après avoir résolu de faire un certain ouvrage est parvenu à l’accomplir, à le parfaire, dira que son ouvrage est parfait, et quiconque connaît ou croit connaître l’intention de l’auteur et l’objet qu’il se proposait dira exactement comme lui. Par exemple, si une personne vient à voir quelque construction (et je la suppose inachevée) et qu’elle sache que l’intention de l’architecte a été de bâtir une maison, elle dira que cette maison est imparfaite ; elle l’appellera parfaite, au contraire, aussitôt qu’elle reconnaîtra que l’ouvrage a été conduit jusqu’au point où il remplit la destination qu’