Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/22

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Propos. 14), et agit par cette seule nécessité (en vertu de la Propos. Précéd.). Seul par conséquent, il est une cause libre.

Scholie : D’autres pensent que ce qui donne à Dieu le caractère de cause libre, c’est qu’il peut faire, à les en croire, que les choses qui découlent de sa nature, c’est-à-dire qui sont en son pouvoir, n’arrivent pas ou bien ne soient pas produites par lui ; mais cela revient à dire que Dieu peut faire que de la nature du triangle il ne résulte pas que ses trois angles égalent deux droits, ou que d’une cause donnée il ne s’ensuive aucun effet, ce qui est absurde. Bien plus, je ferai voir tout à l’heure, et sans le secours de la Proposition qui vient d’être démontrée, que ni l’intelligence ni la volonté n’appartiennent à la nature de Dieu.

Je sais que plusieurs philosophes croient pouvoir démontrer que l’intelligence suprême et la libre volonté appartiennent à la nature de Dieu ; car, disent-ils, nous ne connaissons rien de plus parfait qu’on puisse attribuer à Dieu que cela même qui est en nous la plus haute perfection : or ces mêmes philosophes, quoiqu’ils conçoivent la souveraine intelligence de Dieu comme existant en acte, ne croient pourtant pas que Dieu puisse faire exister tout ce qui est contenu en acte dans son intelligence. Autrement ils croiraient avoir détruit la puissance de Dieu. Si Dieu avait créé, disent-ils, tout ce qui est en son intelligence, il ne lui serait plus rien resté à créer, conséquence qui leur paraît contraire à l’omnipotence divine ; et c’est pourquoi ils ont mieux aimé faire Dieu indifférent à toutes choses et ne créant rien de plus que ce qu’il a résolu de créer par je ne sais quelle volonté absolue. Pour moi, je crois avoir assez clairement montré (voyez la Propos. 16) que de la souveraine puissance de Dieu, ou de sa nature infinie, une infinité de choses infiniment modifiées, c’est-à-dire toutes choses ont découlé nécessairement ou découlent sans cesse avec une égale nécessité, de la même façon que de la nature du triangle il résulte de toute éter-