Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/236

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si l’homme qui éprouve la joie arrivait à un degré si élevé de perfection qu’il comprît et ses actions et soi-même d’une manière adéquate, il en serait d’autant plus propre à accomplir les actions auxquelles il est déjà déterminé par des affections passives. Or toutes les passions dérivent de la joie, de la tristesse ou du désir (voy. l’explic. de la Déf. 4 des passions), et le désir n’est autre chose que l’effort même que nous faisons pour agir. Donc toutes les actions auxquelles nous sommes déterminés par une affection passive, la raison peut nous les faire accomplir. C. Q. F. D.

Autre démonstration : Une action quelconque est dite mauvaise en tant qu’elle provient d’un sentiment de haine ou de quelque autre mauvaise passion (voyez le Coroll. 1 de la Propos. 45, part. 4). Or aucune action, considérée seulement en elle-même, n’est bonne ou mauvaise (comme on l’a montré dans la préface de cette quatrième partie) ; mais une seule et même action est tantôt bonne, tantôt mauvaise. Par conséquent, la raison peut nous déterminer à une action qui est mauvaise en tant qu’elle provient d’une mauvaise passion (par la Propos. 19, part. 4).

Scholie : Un exemple rendra ceci plus clair. L’action de frapper, considérée physiquement et en ayant seulement égard à cette circonstance qu’un homme lève le bras, ferme la main et remue le bras avec force de haut en bas, cette action, dis-je, est une vertu qui résulte de l’organisation du corps humain. Si donc un homme, saisi de colère ou de haine, est déterminé à fermer la main et à remuer le bras, cela vient, comme je l’ai expliqué dans la seconde partie, de ce qu’une seule et même action peut être liée à toutes sortes d’images des choses ; par conséquent les images des objets que nous concevons clairement, comme celles des objets dont nous avons une idée claire et distincte, peuvent nous déterminer à une seule et même action. Il est donc clair que tout désir qui naît d’une affection passive ne serait d’aucun usage, si les hommes pouvaient se gouverner par la raison. Voyons maintenant pourquoi le désir qui