Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/238

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de la raison, c’est-à-dire (par la Propos. 3, part. 3) qui se forme en nous, en tant que nous agissons, c’est l’essence même de l’homme ou sa nature, en tant que déterminée à accomplir les actions qui se conçoivent d’une manière adéquate par cette seule essence (en vertu de la Déf. 2, part. 3). Si donc ce désir pouvait être sujet à l’excès, il faudrait que la nature humaine, prise en soi, pût s’excéder soi-même, c’est-à-dire que sa puissance excédât sa propre puissance, ce qui est une contradiction manifeste. D’où il faut conclure que ce désir ne peut avoir d’excès. C. Q. F. D.


PROPOSITION LXII

L’âme, en tant qu’elle conçoit les choses selon la raison, est affectée de la même manière par l’idée d’une chose future ou passée et par celle d’une chose présente.

Démonstration : Tout ce que l’âme conçoit selon la raison, elle le conçoit sous un même caractère d’éternité ou de nécessité (par le Coroll. 2 de la Propos. 44, part. 2) et avec la même certitude (par la Propos. 43 et son Schol., part. 2). Par conséquent, que l’idée ait pour objet une chose future, ou passée, ou présente, l’âme le concevra avec la même nécessité et la même certitude, et, dans les trois cas, l’idée sera également vraie (par la Propos. 41, part. 2), c’est-à-dire (par la Déf. 4, part. 2) qu’elle aura également toutes les propriétés d’une idée adéquate. Il faut donc conclure que l’âme, en tant qu’elle conçoit les choses selon la raison, est affectée de la même manière par l’idée d’une chose future ou passée et par celle d’une chose présente. C. Q. F. D.

Scholie : Si nous pouvions avoir une connaissance adéquate de la durée des choses, et déterminer par la raison le temps de leur existence, nous regarderions du même œil les choses futures et les choses présentes ; un bien à venir nous inspirerait le même désir qu’un bien présent, et on ne négligerait pas tant le bien présent pour de plus grands biens qu’on espère dans l’avenir ; enfin (et nous le démontrerons tout à l’heure), on ne désirerait pas un bien actuel quand on saurait qu’il doit causer plus tard