Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/240

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En effet, le désir qui provient de la raison ne peut avoir son principe que dans un sentiment de joie qui n’a pas le caractère d’une affection passive (par la Propos. 59, part. 3), c’est-à-dire (par la Propos. 61, part. 4) qui ne peut avoir d’excès ; et elle ne peut naître d’un sentiment de tristesse. D’où il suit (par la Propos. 8, part. 4) que ce désir provient de la connaissance du bien et non de celle du mal, et enfin que la raison nous fait désirer le bien directement, et ne nous éloigne du mal que d’une manière indirecte. C. Q. F. D.

Scholie : Ce corollaire devient très clair par l’exemple d’un malade et d’un homme en santé. Le malade prend des aliments qui lui répugnent par crainte de la mort ; l’homme en santé se nourrit avec plaisir, et de cette façon il jouit mieux de la vie que s’il craignait la mort et avait pour but immédiat de s’en préserver.


PROPOSITION LXIV

La connaissance du mal est une connaissance inadéquate.

Démonstration : La connaissance du mal, c’est la tristesse, en tant que nous en avons conscience (par la Propos. 8, part. 4). Or, la tristesse, c’est le passage de l’homme à une moindre perfection (par la Déf. 3 des pass.), et par conséquent, elle ne se peut comprendre par l’essence même de l’homme (en vertu des Propos. 6 et 7, part. 3) ; d’où il suit (par la Déf. 2, part. 3) que c’est une affection passive qui ne dépend donc point des idées adéquates (par la Propos. 3, part. 3), et enfin que la connaissance de la tristesse ou du mal est une connaissance inadéquate (par la Propos. 29, part. 2). C. Q. F. D.

Corollaire : Il suit de là que si l’âme humaine n’avait que des idées adéquates, elle ne se formerait aucune notion du mal.


PROPOSITION LXV

Entre deux biens, la raison nous fait choisir le plus grand ; et entre deux maux ; le moindre.

Démonstration : Un bien qui nous empêche de jouir d’un bien plus grand est véritablement un mal. Car le bien et le mal dépendent (comme nous l’avons montré dans la pré