Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/259

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50 de la 1re part., des Passions de l’âme. La conclusion est qu’il n’est point d’âme si faible qu’une bonne direction ne puisse rendre maîtresse souveraine de ses passions. Il définit les passions des perceptions, des sentiments ou des émotions de l’âme, qui lui sont rapportés spécialement et qui sont produits, conservés et augmentés par quelque mouvement des esprits (voyez art. 27, 1re part., des Passions de l’âme). Or, si à telle volition, nous pouvons, à notre gré, joindre tel mouvement de la glande, et par conséquent des esprits, et que la détermination de la volonté ne dépende que de notre seule puissance, il ne reste plus, pour acquérir un empire absolu sur nos passions, qu’à soumettre notre volonté aux principes fixes et arrêtés dont nous voulons faire les mobiles de notre conduite, et à conformer à ces principes les mouvements des passions que nous voulons avoir. Telle est, autant que je la puis comprendre, la doctrine de ce grand homme, et je m’étonnerais qu’il l’eût proposées si elle était moins ingénieuse. Je ne puis assez m’étonner que ce philosophe, qui a pris pour règle de ne tirer des conclusions que de principes évidents par eux-mêmes, et de ne rien affirmer qu’il n’en eût une conception claire et distincte ; qui d’ailleurs reproche si souvent à l’école d’expliquer les choses obscures par les qualités occultes, se contente d’une hypothèse plus occulte que les qualités occultes elles-mêmes. Qu’entend-il, je le demande, par l’union de l’âme et du corps ? Quelle idée claire et distincte peut-il avoir d’une pensée étroitement unie à une portion de l’étendue ? Je voudrais au moins qu’il eût expliqué cette union par la cause prochaine. Mais dans sa philosophie la distinction entre l’âme et le corps est si radicale qu’il n’aurait pu assigner une cause déterminée ni à cette union ni à l’âme elle-même, et il aurait été contraint de recourir à la cause de l’univers, c’est-à-dire à Dieu. Je voudrais savoir aussi combien de degrés de mouvement l’esprit peut donner à cette glande pinéale, et avec quel degré de force il peut la tenir suspendue.