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DE LA RÉFORME

d’établir une société telle que le plus grand nombre puisse parvenir facilement et sûrement à ce degré de perfection. On devra veiller avec soin aux doctrines morales ainsi qu’à l’éducation des enfants ; et comme la médecine n’est pas un moyen de peu d’importance pour atteindre la fin que nous nous proposons, il faudra mettre l’ordre et l’harmonie dans toutes les parties de la médecine ; et comme l’art rend faciles bien des choses difficiles et nous profite en épargnant notre temps et notre peine, on se gardera de négliger la mécanique. Mais, avant tout, il faut chercher le moyen de guérir l’entendement, de le corriger autant qu’il est possible dès le principe, afin que, prémuni contre l’erreur, il ait de toute chose une parfaite intelligence. On peut déjà voir par là que je veux ramener toutes les sciences à une seule fin[1], qui est de nous conduire à cette souveraine perfection de la nature humaine dont nous avons parlé ; en sorte que tout ce qui, dans les sciences, n’est pas capable de nous faire avancer vers notre fin doit être rejeté comme inutile ; c’est-à-dire, d’un seul mot, que toutes nos actions, toutes nos pensées doivent être dirigées vers cette fin. Mais, tandis que nous nous efforçons d’y atteindre et de mettre l’intelligence dans la bonne voie, il nous faut vivre cependant ; et c’est pourquoi nous devons convenir de certaines règles de conduite que nous supposerons bonnes, savoir, les suivantes :

I. Mettre ses paroles à la portée du vulgaire et consentir à faire avec lui tout ce qui n’est pas un obstacle à notre but. Car nous avons de grands avantages à retirer du commerce des hommes, si nous nous proportionnons à eux, autant qu’il est possible, et nous préparons ainsi à la vérité des oreilles bienveillantes.

II. Ne prendre d’autres plaisirs que ce qu’il en faut pour conserver la santé.

  1. Les sciences ont une fin unique, vers laquelle elles doivent toutes être dirigées.