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DE LA RÉFORME

I. Mettre à part toute cause, c’est-à-dire n’avoir besoin pour expliquer l’objet défini de rien autre chose que de son être.

II. Étant donnée la définition de la chose, il ne doit plus y avoir lieu à cette question : existe-t-elle ?

III. N’introduire dans la définition aucun substantif qui puisse être adjectivé, c’est-à-dire ne point expliquer l’objet défini par des abstraits.

IV. Enfin, quoique cela ne soit pas très-nécessaire à remarquer, il faut que de la définition de la chose toutes ces propriétés puissent être conclues. C’est là encore une règle évidente pour peu qu’on y fasse attention.

J’ai dit encore que la meilleure conclusion est celle qui se tire d’une conclusion particulière affirmative. Car plus une idée est spéciale, plus elle est distincte, et par suite, plus elle est claire. Nous devons donc le plus possible chercher la connaissance des choses particulières.

Quant à l’ordre de nos perceptions, il faut, pour les ordonner et les lier, rechercher, autant que cela se peut et que la raison le demande, s’il y a quelque être (et en même temps quel il est) qui soit cause de toutes choses, de telle sorte que son essence objective soit aussi la cause de toutes nos idées ; et alors notre esprit, comme nous l’avons dit, reproduira le plus exactement possible la nature, car il en contiendra objectivement l’essence, l’ordre et l’union. D’où nous pouvons voir qu’il nous est tout à fait nécessaire de tirer toutes nos idées des choses physiques, c’est-à-dire des êtres réels, en allant, suivant la série des causes, d’un être réel à un autre être réel, sans passer aux choses abstraites et universelles, ni pour en conclure rien de réel, ni pour les conclure de quelque être réel ; car l’un et l’autre interrompent la marche véritable de l’entendement. Mais il faut remarquer que par la série des causes et des êtres réels je n’entends point ici la série des choses particulières et changeantes, mais seulement la série des choses fixes et