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LETTRES.

car votre doute ne porte que sur cet exemple particulier. Mais remarquez ceci, je vous prie : si quelqu’un vient dire que l’étendue n’est point terminée par l’étendue, mais par la pensée, n’est-ce pas comme s’il disait que l’étendue n’est point infinie absolument, mais seulement infinie sous le point de vue de l’étendue ? En d’autres termes, celui qui parle ainsi ne m’accorde point que l’étendue soit absolument infinie, mais il m’accorde qu’elle l’est sous le point de vue de l’étendue, c’est-à-dire dans son genre. Mais, dites-vous, la pensée est peut-être un acte corporel ? Soit, bien que je reste tout à fait convaincu du contraire ; mais vous ne nierez pas toujours ce point, que l’étendue, en tant qu’étendue, n’est point la pensée ; ce qui suffit pour expliquer ma définition et pour démontrer ma troisième proposition. Votre troisième objection est que mes axiomes ne doivent pas être mis au nombre des notions communes. Je ne dispute pas sur ce point ; mais vous mettez en question la vérité de ces axiomes, et vous allez même jusqu’à faire voir que le contraire est plus vraisemblable. Mais veuillez faire attention à la définition que j’ai donnée de la substance et de l’accident, car c’est de là que se conclut tout le reste. J’entends, en effet, par substance, ce qui est conçu par soi et en soi, c’est-à-dire ce dont le concept n’enveloppe point le concept d’aucune autre chose ; par modification, au contraire, ou par accident, ce qui existe dans une autre chose et est conçu par cette chose. D’où il est clair qu’il résulte, premièrement, que la substance est antérieure à ses accidents, puisque ceux-ci ne pourraient ni exister ni être conçus sans celle-là ; secondement, qu’il ne peut rien y avoir dans la réalité ou hors de l’entendement que les substances et les accidents ; car tout ce qui est est conçu par soi ou par autre chose, et le concept de tout ce qui est enveloppe ou n’enveloppe pas le concept de quelque autre chose. Troisièmement, vous ne pouvez douter que les choses qui ont des attributs divers n’aient entre elles rien de commun ; car j’ai expliqué qu’un attri-