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LETTRES.

tres mouvements, d’autres changements se produisent dans le sang, lesquels résultent, non pas du seul rapport du mouvement de ses parties entre elles, mais du rapport du mouvement du sang au mouvement des choses extérieures ; et de cette façon, le sang joue le rôle d’une partie et non celui d’un tout.

Je dis maintenant que tous les corps de la nature peuvent et doivent être conçus comme nous venons de concevoir cette masse de sang, puisque tous les corps sont environnés par d’autres corps, et se déterminent les uns les autres à l’existence et à l’action suivant une certaine loi[1], le même rapport du mouvement au repos se conservant toujours dans tous les corps pris ensemble, c’est-à-dire dans l’univers tout entier ; d’où il suit que tout corps, en tant qu’il existe d’une certaine façon déterminée, doit être considéré comme une partie de l’univers, s’accorder avec le tout et être uni à toutes les autres parties. Et comme la nature de l’univers n’est pas limitée comme celle du sang, mais absolument infinie, toutes ses parties doivent être modifiées d’une infinité de façons et souffrir une infinité de changements en vertu de la puissance infinie qui est en elle. Mais l’union la plus étroite que je conçoive entre les parties de l’univers, c’est leur union sous le rapport de la substance. Car j’ai essayé de démontrer, comme je vous l’ai dit autrefois dans la première lettre que je vous écrivais, me trouvant encore à Rheinburg, que la substance étant infinie de son essence[2], chaque partie de la substance corporelle appartient à la nature de cette substance et ne peut exister ni être conçue sans elle.

Vous voyez, Monsieur, pour quelle raison et dans quel sens je pense que le corps humain est une partie de la nature. Quant à l’âme humaine, je crois qu’elle en est aussi une partie ; car il existe, selon moi, dans la nature, une puissance de penser infinie, laquelle, en tant qu’in-,

  1. Éthique, part. 1, propos. 28.
  2. Éthique, part. 1, propos. 8.