Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avoir et que sa nature fût ainsi faite, à l’exemple des créatures, qu’il eût de la sympathie pour une chose, de l’antipathie pour une autre ; cette même action, contraire à la loi de Dieu, serait en même temps contraire à sa volonté ; car sa volonté ne différant pas de son intelligence, il est aussi impossible d’aller contre sa volonté que contre son intelligence, c’est-à-dire que ce qui arriverait contre sa volonté répugnerait nécessairement à son intelligence, comme un carré rond. Ainsi donc, puisque la volonté ou la résolution d’Adam, considérée en elle-même, ne peut être mauvaise, ni, à proprement parler, aller contre la volonté de Dieu, il s’ensuit que Dieu peut, et même, pour la raison que vous connaissez, que Dieu doit en être la cause : non pas en tant qu’elle est mauvaise ; car le mal qui est en elle n’est autre chose que l’état de privation qu’Adam devait perdre par l’accomplissement de cet acte ; et il est certain que la privation n’est pas quelque chose de positif, et que nous l’appelons ainsi par rapport à notre intelligence et non par rapport à celle de Dieu. Or la raison en est que nous renfermons tous les individus d’un genre, tous ceux par exemple qui ont extérieurement la forme humaine, sous une même définition, et nous pensons ensuite qu’ils sont tous également susceptibles de la plus grande perfection que cette définition comprenne ; puis, quand nous en trouvons un dont les actions répugnent à cette perfection, nous disons qu’il en est privé, qu’il s’éloigne de la nature ; ce que nous ne ferions pas si nous ne l’avions rapporté à cette définition, si nous ne lui avions attribué cette nature. Mais Dieu ne connaît pas les choses par abstraction, il n’a pas de définitions générales de cette espèce, il n’attribue pas aux choses plus de réalité que son intelligence et sa puissance ne leur en a effectivement donné ; et il suit de là que cette privation n’existe que pour notre esprit, et non pour le sien.

Suivant moi, cela résout tout à fait la difficulté. Mais