Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/415

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être qui n’exprime pas toutes les perfections existe pourtant par sa nature, nous devons supposer aussi l’existence de l’être qui comprend en soi toutes les perfections ; car si l’être doué d’une moindre puissance en a pourtant assez pour exister et se suffire, à combien plus forte raison faut-il admettre l’existence de celui qui a une puissance plus grande 4 !

Ces principes posés, pour en venir à notre sujet, je dis que l’être dont l’existence appartient à sa nature ne peut être qu’unique, et qu’il est nécessairement celui qui possède en soi toutes les perfections, c’est-à-dire l’être que j’appelle Dieu. Car si vous supposez un être à la nature duquel appartient l’existence, cet être ne doit renfermer en soi aucune imperfection ; il doit au contraire exprimer toute perfection (par notre cinquième principe) : d’où il suit que la nature de cet être appartient à Dieu (dont nous devons admettre l’existence par le sixième principe), puisque nous disons que cet être possède en soi toutes les perfections et est exempt de toute imperfection. De plus, cet être ne peut exister hors de Dieu ; car autrement une seule et même nature, laquelle enveloppe l’existence nécessaire, serait double ; ce qui est absurde, par la démonstration précédente. Donc il n’y a rien que Dieu seul qui enveloppe l’existence nécessaire. C. Q. F. D.

Voilà, Monsieur, ce qui m’est venu à l’esprit en ce moment pour établir la démonstration que vous désirez. Je souhaite au moins qu’il vous soit démontré que je suis, etc.


Woorburg, 10 avril 1666.