Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/428

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a politique. Elle consiste en ce que je conserve toujours dans ma doctrine le droit naturel dans son intégrité, prenant dans chaque État pour mesure du droit du magistrat suprême sur les sujets le degré de puissance ou de supériorité qu’il possède à leur égard. Or c’est justement ce qui a toujours lieu dans l’état naturel.

Quant à l’argumentation dont je me sers, dans l’Appendice de mes démonstrations géométriques des Principes de Descartes, pour établir qu’on ne peut dire, dans la stricte propriété des termes, que Dieu soit un ou unique, je vous prie de considérer qu’une chose n’est dite une ou unique qu’au regard de l’existence et non de l’essence ; car avant de nombrer les choses, il faut les avoir réduites en de certains genres. Par exemple, celui qui tient dans sa main un sesterce et un impérial ne pensera pas au nombre deux, s’il ne peut appeler ces deux objets d’un seul et même nom commun, tel que pièce d’argent ou de monnaie : alors il peut affirmer qu’il a deux pièces d’argent ou de monnaie, puisqu’il appelle également de ce nom le sesterce et l’impérial. Il suit de là qu’aucune chose ne peut être appelée une ou unique qu’après qu’on a conçu quelque autre chose qui lui ressemble de la façon qu’on vient de dire. Or comme l’existence de Dieu est l’essence même de Dieu 1, et que nous ne pouvons nous former de cette essence aucune idée générale, il est certain que celui qui appelle Dieu un ou unique n’a pas une véritable idée de Dieu, ou du moins ne parle pas rigoureusement.

J’ai soutenu, en effet, que la figure est une pure négation et non pas quelque chose de positif ; car il est clair que la matière, prise dans son tout et comme indéfinie, ne peut avoir aucune figure, la figure n’appartenant qu’aux corps limités et finis. Celui qui dit : je perçois une figure, marque par là qu’il conçoit une chose déterminée et comprise en de certaines limites. Or cette détermination