Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/455

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religions ou plutôt les meilleurs des hommes, et qui leur avez livré votre foi crédule, je vous demanderai à mon tour comment vous savez que ces hommes sont en effet les meilleurs entre tous ceux qui ont enseigné, qui enseignent et qui enseigneront d’autres religions ? Avez-vous examiné toutes ces religions, tant anciennes que nouvelles, celles de nos contrées, celles de l’Inde, enfin celles de l’univers ? Et alors même que vous les auriez examinées scrupuleusement, qu’est-ce qui vous assure que vous avez choisi la meilleure ? Car, enfin, vous ne pouvez donner aucune raison de votre foi. Vous direz sans doute que vous vous reposez dans le témoignage intérieur de l’Esprit de Dieu, tandis que ceux qui ne pensent pas comme vous sont séduits et trompés par le prince des esprits rebelles. Mais tous ceux qui ne sont pas de l’Église romaine diront de leur Église ce que vous dites de la vôtre, et ils auront tout autant de droit que vous.

Vous parlez du consentement unanime de tant de milliers d’hommes, de la succession non interrompue de l’Église. Mais tout cela, c’est le propre langage des pharisiens. Ils produisent, avec une confiance égale à celle des croyants de l’Église romaine, des myriades de témoins qui n’ont pas une fermeté moins opiniâtre que les vôtres, et qui rapportent, comme s’ils les avaient vues, des choses qu’ils ont entendu dire. Ajoutez que les pharisiens font remonter leur origine jusqu’à Adam. Ils vantent, eux aussi, avec une arrogance que l’Église romaine ne surpasse pas, la solidité immuable de leur Église qui s’est propagée jusqu’à ce jour, malgré l’hostilité commune des chrétiens et des gentils. Plus que tous les autres, ils se défendent par leur antiquité : c’est de Dieu même qu’ils ont reçu leurs traditions. Eux seuls conservent la parole de Dieu, écrite et non écrite. Voilà ce qu’ils proclament d’une seule voix. Et en effet, personne ne peut nier que toutes les hérésies ne soient sorties de leur sein, et que les pharisiens ne soient restés fidèles à eux-mêmes pendant plusieurs milliers d’années, sans aucune contrainte et par