Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/80

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une connaissance adéquate d’elle-même (par la Propos. 29, partie 2), ni de son corps (par la Propos. 27, partie 2), ni des corps extérieurs (par la Propos. 25, partie 2), mais seulement une connaissance confuse et mutilée (par la Propos. 28, partie 2 et son Schol.). C. Q. F. D.

Scholie : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

Proposition 30

Nous n’avons de la durée de notre corps qu’une connaissance fort inadéquate.

Démonstration : La durée de notre corps ne dépend pas de son essence (par l’Axiome 1, partie 2), ni de la nature absolue de Dieu (par la Propos. 21, partie 1), notre corps étant déterminé à exister et à agir d’une certaine façon par des causes qui sont elles-mêmes déterminées par d’autres causes à exister et à agir d’une certaine manière particulière, et celles-ci par d’autres encore, et ainsi à l’infini. La durée de notre corps dépend donc de l’ordre commun de la nature, et de la constitution des choses. Or l’idée ou connaissance de la manière dont les choses sont constituées est en Dieu, en tant qu’il a les idées de toutes ces choses, et non pas en tant qu’il a seulement l’idée du corps humain (par le Corollaire de la Propos. 9, partie 2) ; c’est pourquoi la connaissance de la durée de notre corps est en Dieu fort inadéquate, en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; en d’autres termes (par le Corollaire De la Propos. 11, partie