Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 1, 1838.djvu/25

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CHANT SECOND.




I.

Si vous voulez vous faire une juste idée du magnifique aspect de Melrose, allez le visiter à la pâle clarté de la lune ; car le vif éclat des rayons du jour ne vient dorer ses ruines que pour y insulter en éclairant leurs masses grisâtres. Lorsque les anneaux brisés sont plongés dans les ténèbres de la nuit, et que chaque ogive réfléchit la lueur blanchâtre de la lune, dont les froids rayons versent des masses incertaines de lumière sur les ruines de la tour centrale ; lorsque les arcs-boutans offrent alternativement à l’œil les teintes de l’ébène et de l’ivoire ; lorsque les rayons argentés de l’astre des nuits se jouent autour des statues des saints et des cartouches où sont gravées sur la pierre les sentences qui nous apprennent à bien vivre et à bien mourir (1) ; lorsqu’on entend dans le lointain le mugissement des flots de la Tweed, et sur la tombe des morts les cris sinistres du hibou, alors va, mais va seul, observer le monument en ruines, témoignage de la munificence de saint David (2) ; et, en regagnant ta demeure, affirme dans ton ravissement que jamais spectacle à la fois aussi beau et aussi mélancolique n’a frappé les regards de l’homme.

II.

Deloraine s’y arrêta peu : il ne s’embarrassait guère de ce magnifique tableau ! Avec le manche de son poignard il frappa à coups redoublés le solide guichet du couvent. Le portier accourut en hâte. « Qui frappe si fort et si tard ? » — « Je viens de Branksorne, » dit le guerrier, et la porte s’ouvrit toute grande ; car les