Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/41

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suite à son interrogatoire. — Deux cavaliers complètement équipés, répondit Gilbertscleugh. — Mes domaines, mon cousin Gilbertscleugh, » dit lady Marguerite se relevant avec dignité, « mes domaines ont toujours fourni à la revue huit hommes, et il m’est souvent arrivé de tripler volontairement ce nombre. Je me rappelle que lors du déjeuner que le roi Charles prit à mon château de Tillietudlem, Sa Majesté insista particulièrement pour savoir… — La voiture du duc s’avance, » dit Gilbertscleugh, qui partageait alors l’alarme commune à tous les amis de lady Marguerite quand elle venait à parler de la visite royale dans le manoir de ses ancêtres. « La voiture du duc s’avance, je pense, milady, que vous userez du droit de votre rang et quitterez la place aussitôt après lui. Me sera-t-il permis de vous accompagner au château, ainsi que miss Bellenden ? Des partis de presbytériens errent dans ces contrées, on dit même qu’ils insultent et désarment les royalistes qui voyagent en petit nombre. — Je vous remercie, Gilbertscleugh, dit lady Marguerite ; avec l’escorte de mes vassaux j’ai moins besoin que qui que ce soit d’être importune à mes amis. Voulez-vous avoir la bonté d’ordonner à Harrison de faire avancer sa troupe un peu plus vite ; il la dirige comme si elle conduisait une pompe funèbre. »

Le gentilhomme s’empressa de communiquer au fidèle intendant l’ordre de milady.

L’honnête Harrison avait d’excellentes raisons pour douter de la prudence de cet ordre, mais il l’avait reçu, il fallait obéir. Il partit donc au petit galop, suivi du sommelier Gudyill ; celui-ci présentait une attitude militaire digne d’un ancien soldat de Montrose, attitude à laquelle les vapeurs stimulantes de l’eau-de-vie ajoutaient encore, en augmentant la fierté et la gravité de son regard : en effet, dans les intervalles du service militaire, notre martial sommelier avait porté de fréquents toasts à la santé du roi et à la ruine du puritanisme. Malheureusement il arriva que ces nombreuses libations lui firent oublier l’attention due à l’inexpérience de Gibbie qui venait immédiatement après lui. Les chevaux ayant pris le galop, les bottes énormes, que les jambes du pauvre garçon ne pouvaient tenir fermes, commencèrent à jouer alternativement contre les flancs du cheval ; ces bottes, armées d’éperons longs et aigus, lassèrent bientôt la patience de l’animal qui bondit et se cabra ; les cris À l’aide que se mit à pousser Gibbie ne parvenaient point aux oreilles du trop négligent