Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lait plus haut Niel Blane ; l’un était sergent, l’autre simple soldat ; tous les deux servaient dans le régiment des gardes, commandé par Claverhouse, dans lequel le célèbre Jean Graham était capitaine. Dans ces corps les officiers non commissionnés, et même les simples soldats, n’étaient pas considérés comme de vils mercenaires : ils approchaient plutôt des mousquetaires français, étant rangés dans la ligne des cadets qui remplissaient les fonctions de simples soldats avec l’espérance, lorsqu’ils se distinguaient, d’obtenir des commissions d’officiers.

Beaucoup de jeunes gens de bonne famille étaient placés dans ce régiment, ce qui ajoutait à l’orgueil et à l’arrogance de ceux qui le composaient ; et le sergent dont on vient de parler en était un exemple frappant. Son véritable nom était Francis Stuart, mais il était universellement connu sous le nom de Bothwell, et descendait en ligne directe du dernier comte de ce nom, non pas de l’infâme amant de l’infortunée reine Marie, mais de Francis Stuart, comte de Bothwell, dont la turbulence et les conspirations continuelles troublèrent la dernière partie du règne de Jacques VI, et qui mourut enfin dans l’exil et dans la misère. Le fils de ce comte de Bothwell avait sollicité de Charles Ier la restitution des biens de son père qui avaient été confisqués, mais il était alors impossible d’arracher ces domaines à la rapacité des nobles qui les possédaient. Enfin les guerres civiles qui éclatèrent à cette époque le ruinèrent totalement, et le privèrent d’une modique pension que Charles Ier lui avait accordée : aussi mourut-il dans une extrême indigence. Son fils, qui était le petit-fils de Francis Stuart, après avoir servi comme soldat en pays étranger et en Angleterre, et avoir éprouvé toutes les vicissitudes de la fortune, s’était vu obligé de se contenter du grade de sergent dans le régiment des gardes, quoiqu’il descendît directement de la famille royale, puisque le comte de Bothwell, dont les biens avaient été confisqués, était fils naturel de Jacques VI.

Une force de corps vraiment surprenante, une grande dextérité dans le maniement des armes, et surtout son origine illustre, recommandaient le sergent Bothwell à l’attention de ses chefs. Mais il possédait à un haut degré ces dispositions tyranniques et effrénées, qui n’étaient devenues que trop générales parmi ses compagnons par suite de l’habitude qu’ils avaient d’agir comme membres du gouvernement, en levant des amendes, en percevant des impôts, enfin en prenant diverses autres mesures oppressives contre les