Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme : « Pourquoi le fils d’un père tel que le vôtre assiste-t-il à des momeries aussi profanes que celles où je vous ai rencontré aujourd’hui même ? — Je remplis mon devoir comme sujet, et je me livre à d’innocents plaisirs, parce que cela me plaît ainsi, » répondit Morton un peu offensé. — « Pensez-vous que ce soit votre devoir, jeune homme ? Pensez-vous que ce soit le devoir d’un chrétien de porter les armes pour ceux qui ont répandu par torrents, dans le désert, le sang des martyrs, comme si ce sang était de l’eau ? Est-ce donc une récréation licite de passer son temps à viser un oiseau postiche, et de s’amuser à boire dans les auberges, au milieu de gens ivres, lorsque celui qui est tout-puissant descend sur la terre pour séparer les bons des méchants, ainsi que le laboureur qui, le van à la main, sépare le froment de l’ivraie ? — D’après la nature de votre conversation je vois, dit Morton, que vous êtes un de ceux qui ont jugé à propos de se révolter contre le gouvernement. Je dois vous prévenir que vous faites usage ici, et sans nécessité, d’un langage d’autant plus dangereux que vous vous exprimez en présence d’une personne qui vous est inconnue ; et dans les temps où nous nous trouvons, il n’est même pas prudent pour moi de vous écouter. — Tu ne peux te dispenser de m’entendre, Henri Morton, dit l’étranger ; ton maître te destine un rôle qu’il te faudra remplir quand sa voix t’appellera. Je gage bien que tu n’as pas encore entendu les sermons d’un vrai prédicateur, car tu serais maintenant ce que tu deviendras bien certainement un jour. — Nous sommes de la secte à laquelle vous appartenez, » dit Morton. En effet, la famille de Milnwood assistait aux sermons d’un ministre presbytérien, du nombre de ceux qui, se conformant alors à certains règlements, avaient reçu du gouvernement la libre faculté de prêcher. Cette indulgence avait occasionné un grand schisme parmi les presbytériens, et ceux qui l’avaient acceptée étaient sévèrement censurés par les plus rigides sectaires, qui rejetaient obstinément les conditions offertes : aussi l’étranger répondit-il avec le plus grand dédain à la profession de foi de Morton : — « Tout cela n’est qu’un prétexte, un misérable prétexte. Vous entendez le dimanche un sermon, froid, mondain, approprié aux circonstances ; celui qui le prononce oublie sa haute mission au point d’obtenir son apostolat de la faveur des courtisans et des prélats infidèles. Et vous appelez cela entendre la parole de Dieu ! De tous les appâts dont le démon s’est servi pour pêcher des âmes, dans ces jours de sang et de ténèbres, aucun