Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/14

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sa cellule. Deux chandelles étaient placées sur la table ; du pain blanc et des pâtés de venaison y arrivent alors avec un choix de venaison fraîche ou salée dont ils dépêchent quelques tranches avec rapidité. « J’aurais mangé mon pain sec, dit le roi, si je ne t’avais poussé à bout sur l’article de la chasse ; mais à présent j’ai dîné comme un prince. Si nous avions quelque chose à boire ! »

L’anachorète hospitalier se rend à ce nouveau désir ; il envoie son compagnon prendre dans une cachette qui se trouve près de son lit un pot de la contenance de quatre gallons[1], et tous trois se mettent à boire à qui mieux mieux. Sous la présidence de l’ermite en cette veillée joyeuse, ils sont astreints, suivant la coutume d’alors, à répéter exactement, avant de boire, certains mots baroques qui, prononcés inopinément et à certains intervalles, servaient à régler les rasades comme les toasts l’ont fait plus tard. L’un des buveurs disait, par exemple, Fusty bandias, à quoi l’autre était forcé de répondre, Strike pantnere. Le frère ne tarissait point en plaisanteries sur le manque de mémoire du roi, qui quelquefois oubliait ces mots. Ils donnent toute la nuit à ces gais passe-temps. Le matin, avant son départ, le roi invite le révérend frère à venir le voir ; il lui promet de lui offrir à son tour une joyeuse hospitalité, et le remercie de son excellent accueil. Le jovial ermite consent enfin à se présenter à la cour, où il doit demander Jacques Fletcher, nom qu’avait pris le roi ; il donne à Édouard quelques preuves de son adresse à tirer l’arc : après quoi ces deux nouveaux amis se séparent. Le roi ne tarde point à rejoindre sa suite. Comme ce poème est incomplet, nous ignorons comment l’aventure se termina ; mais il y a lieu de croire que ce fut comme dans les autres contes sur le même sujet ; c’est-à-dire que l’hôte d’Édouard, après avoir craint la mort pour avoir manqué, sans le savoir, au respect dû à son souverain, fut agréablement surpris de recevoir des honneurs et une récompense.

Dans la collection de M. Hartshorne il se trouve encore une histoire en vers, dans laquelle se représentent les mêmes incidents, et intitulée : le Roi Édouard et le Berger. Cette pièce, comme peinture des mœurs du temps, est encore plus curieuse que le Roi et l’Ermite ; mais elle est étrangère à notre objet actuel. Le lecteur connaît maintenant la légende originale d’où ont été tirés les incidents de notre roman ; il est inutile d’insister davantage sur les points de ressemblance que réunissent l’Ermite bon vivant et le frère Tuck de l’histoire de Robin-Hood.

  1. Le gallon anglais contient quatre litres et demi. a. m.