Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/19

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célébrés dans nos cercles modernes, que les Bruce et les Wallace de la Calédonie. Si les paysages du midi de l’Angleterre sont moins romantiques et moins sublimes que ceux des montagnes du nord, on doit convenir qu’ils réunissent dans la même proportion plus de douceur et plus de beauté. En somme, n’avons-nous pas le droit de nous écrier avec le patriote syrien : « Pharphar et Abana, fleuves de Damas, ne sont-ils pas préférables à tous les fleuves d’Israël ? » Vos objections relativement à ce projet, mon cher docteur, étaient, vous vous le rappelez, de deux espèces. Vous insistiez d’abord sur les avantages que présentait à l’auteur écossais l’époque récente encore de cet état de société dans lequel il a puisé le sujet de ses tableaux. Bon nombre d’hommes vivants, me faisiez-vous remarquer, se souviennent très bien d’avoir entendu dire à leurs pères qu’ils avaient non seulement vu le célèbre Roy Mac Gregor, mais encore qu’ils avaient mangé ou combattu avec lui.

Toutes ces circonstances minutieuses qui appartiennent à la vie privée et au caractère domestique, tout ce qui imprime de la vraisemblance à un récit, et de l’individualité aux personnages mis en scène, est bien connu des Écossais et vit encore dans leur mémoire, tandis qu’en Angleterre la civilisation est déjà si ancienne, que les idées que nous avons sur nos ancêtres ne sont guère que le fruit de la lecture des vieux manuscrits, des vieilles chroniques, dont les auteurs semblent avoir pris à tâche de supprimer dans leurs récits tous les détails intéressants, afin de leur substituer des fleurs d’éloquence monacale ou de triviales réflexions sur les mœurs. Marcher de pair avec un auteur écossais dans la tâche de rassembler et de faire revivre les traditions de son pays natal, serait, disiez-vous, une prétention absurde et téméraire de la part d’un Anglais. Le magicien écossais avait, selon vous, comme la sorcière de Lucain, la liberté de parcourir le théâtre d’une bataille récente, et de choisir pour le sujet de ses prodiges un corps dont les membres semblent encore tout palpitants d’existence, et dont la bouche vient de rendre son dernier soupir. Tel fut le type auquel la puissante Erichto dut elle-même recourir :

· · · · · · · · gelidas lecto scrufata medulas,
Pulmonis rigidi stantes sine vulnere fibras
Invenit, et vocem defunclo in cor pore quœrit[1].

  1. Cherchant dans les entrailles glacées par la mort, des poumons dont les fibres fussent exemptes de blessures, afin de trouver encore sur un récent cadavre le dernier souffle de la vie. a. m.