Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/25

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qu’il puisse se hasarder à peindre les passions et les sentiments avec plus de détails qu’on n’en trouve dans les anciens ouvrages, il ne doit rien mêler d’étranger aux coutumes de son siècle ; ses chevaliers, ses écuyers, ses grooms ou palefreniers, et ses yeomen ou archers, peuvent être plus largement dessinés que dans les sèches et dures esquisses d’un ancien manuscrit enluminé ; mais le caractère et le costume du temps restent inviolables ; il faut que les figures soient les mêmes, mais tracées par un meilleur pinceau, ou, pour nous exprimer avec plus de modestie, exécutées dans un siècle où les principes de l’art sont mieux connus. Le langage ne doit pas être exclusivement suranné et inintelligible : mais il ne doit admettre, s’il est possible, aucun mot, aucune tournure de phrase qui trahirait une origine toute moderne. C’est une chose que d’employer l’idiome et les sentiments qui nous sont communs à nous et à nos aïeux, et c’en est une autre que de leur prêter des sentiments et un dialecte exclusivement propres à leurs descendants.

Voilà, mon cher ami, la partie la plus difficile de ma tâche ; et à vous parler sans détour, j’ose à peine espérer de satisfaire votre jugement moins partial et votre connaissance plus approfondie de pareils sujets, puisque je n’ai pu me contenter moi-même. Je sens, d’un autre côté, qu’on me trouvera encore plus défectueux en ce qui concerne les mœurs et les coutumes ; ceux qui seraient disposés à examiner sévèrement mon histoire, eu égard à la période dans laquelle mes acteurs ont vécu, seront peut-être portés à me juger sous ce point de vue. Il peut arriver que j’aie introduit peu de choses qu’on puisse appeler positivement modernes ; mais, d’un autre côté, il est extrêmement probable que j’aurai confondu les usages de deux ou trois siècles, et introduit durant le règne de Richard II des circonstances applicables à une période plus éloignée ou plus rapprochée de nous. Ce qui me rassure, c’est que les erreurs de cette nature échapperont à la masse générale des lecteurs, et que je partagerai l’approbation si peu méritée que l’on donne à ces architectes qui, dans leurs constructions gothico-modernes, ne balancent pas à introduire, sans règle ni méthode, les ornements propres à différents styles et à diverses périodes de l’art. Ceux qui, par de plus vastes recherches, ont acquis les moyens de juger plus sévèrement mes méprises et mes inadvertances, seront portés, je le présume, à une indulgence proportionnée à la connaissance qu’ils ont des difficultés du sujet. Mon brave ami Ingulphe, que l’on a trop négligé, m’a procuré plus d’une indication précieuse ; mais la