Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/26

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lumière apportée par le moine de Croydon et par Geoffroy de Winsauff[1] est obscurcie sous une telle masse de matériaux, que nous cherchons volontiers à nous en dédommager en recourant aux pages délicieuses du bon Froissard[2], quoiqu’il ait vécu à une époque beaucoup plus éloignée de celle où se passe mon histoire. Si donc vous êtes assez généreux pour excuser le présomptueux dessein que j’ai eu de me préparer une couronne de ménestrel, partie avec les perles de la pure antiquité, partie avec les pierres et la pâte de Bristol, au moyen desquelles on les imite, je nourris l’espérance que la difficulté de l’entreprise vous engagera, mon cher docteur, à excuser l’imperfection de l’exécution même.

Je n’ai que peu de choses à dire de mes matériaux. On les retrouvera principalement dans le curieux manuscrit anglo-normand que sir Arthur Wardour[3] conserve avec un soin jaloux dans le troisième tiroir de son bureau, souffrant à peine qu’on y regarde, et n’étant pas lui-même capable de lire la moindre syllabe de son contenu. Il ne m’eût jamais accordé la permission de consulter pendant quelques heures ces pages précieuses, lors de mon voyage en Écosse, si je n’avais promis de les désigner par quelque mode emphatique de typographie, comme, par exemple, le manuscrit de wardour, en lui donnant ainsi une individualité aussi importante que celles du manuscrit de Bannatyne, du manuscrit d’Auchinleck[4] ou de tout autre monument de la patience d’un copiste du moyen âge. Je vous ai envoyé le sommaire des chapitres de cette pièce vraiment curieuse, et peut-être le joindrai-je, sauf votre approbation, au troisième volume de mon histoire, si le compositeur s’impatiente pour avoir de la copie lorsque toute la narration sera sous presse. Adieu, mon cher ami ; j’en ai dit assez, sinon pour justifier, au moins pour expliquer l’essai que j’ai entrepris, et qu’en dépit de vos doutes et de ma propre incapacité, je persiste à ne pas juger inutile.

J’espère que vous êtes maintenant rétabli de votre accès de goutte, et je serais heureux que votre habile médecin vous prescrivît un petit voyage dans nos contrées. On a trouvé dernièrement plusieurs curiosités dans les décombres et près des murs de l’ancienne station d’Habitancum. À propos de ce dernier endroit, je pense que vous

  1. Historiens ecclésiastiques dont les ouvrages sont peu connus. a. m.
  2. Célèbre chroniqueur français, dont une nouvelle édition, publiée par M. Buchon, est très recherchée. a. m.
  3. Personnage de l’Antiquaire. a. m.
  4. Manuscrits que possède la bibliothèque d’Édimbourg. a. m.