Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/39

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de riches fourrures, son manteau était fixé à son cou par une agrafe en or, et tout son vêtement, adapté à son ordre et aussi recherché qu’orné, indiquait la même coquetterie que l’on retrouve aujourd’hui dans le costume d’une séduisante quakeresse, qui, tout en conservant la mise accoutumée de sa secte, donne à la simplicité de cette mise, par le choix des étoffes et par la manière de les disposer, un certain air d’attraction magique fort analogue aux vanités du monde.

Ce digne ecclésiastique montait une mule fringante dont l’amble était le pas habituel, dont le harnachement était magnifique, et dont la bride était ornée de petites sonnettes d’argent, selon la mode du temps. Sur sa riche selle il n’avait rien de la gaucherie empesée du couvent ; il déployait les grâces et l’aisance d’un cavalier habile et exercé. Il semblait qu’une aussi modeste monture ne fût ici que pour une course momentanée, à cause surtout de sa douce allure ; en effet il était suivi d’un frère lai, conduisant par la bride un des plus beaux coursiers que l’Andalousie eût jamais produits, et que les marchands anglais se procuraient à grands frais et non sans quelques risques dans leur pays, pour l’usage des personnes riches et distinguées. La selle et la housse de ce beau palefroi étaient couvertes d’un drap tombant presque jusqu’à terre, sur lequel étaient richement brodées des mitres, des crosses et d’autres emblèmes sacerdotaux. Un autre frère lai conduisait une mule chargée de bagages appartenant probablement à son supérieur, et deux moines de son ordre se tenaient à l’arrière-garde, riant et conversant ensemble, et fort peu occupés des autres membres de la cavalcade.

Le compagnon du dignitaire ecclésiastique était un homme âgé de plus de quarante ans. Il était grand, sec, fort et musculeux ; une figure athlétique, de longues fatigues et le constant exercice témoignaient qu’il était prêt encore à tout braver, quoique réduit à une maigreur extrême, qui rendait étonnamment saillantes les parties osseuses de son corps. Sa tête était couverte d’une toque écarlate garnie de fourrures, analogue à celle que les Français appellent mortier, à cause de sa ressemblance avec un mortier renversé. Cette disposition permettait donc de voir tout son visage, dont l’expression était calculée pour imprimer un degré de respect, sinon de crainte, à des étrangers. Ses traits, naturellement mâles et fortement prononcés, avaient été brûlés, presque autant que la figure d’un nègre, par un long séjour sous le soleil des tropiques, et l’on eût dit, lorsqu’il était dans son état ordinaire de calme, qu’il som-