Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/43

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rendez-vous galant, on se bornait à hausser les épaules, et on s’accoutumait à ses désordres, en se rappelant que la plupart de ses confrères, qui n’avaient pas les mêmes qualités pour s’excuser, en faisaient davantage. La personne et le caractère du prieur Aymer étaient donc choses très familières pour nos deux serfs saxons, qui lui firent leur salut campagnard, et qui reçurent en retour son benedicite, mes fils.

Toutefois l’air étrange de son compagnon et de ceux qui formaient sa suite redoublait la surprise du gardeur de pourceaux et du jovial Wamba ; et à peine firent-ils attention à la question du prieur de Jorvaulx, quand il leur demanda s’ils ne connaissaient pas un lieu d’asile dans le voisinage, tant ils étaient frappés de la tournure moitié monastique, moitié militaire, de l’étranger basané, et de l’accoutrement bizarre, ainsi que des armes de ses deux écuyers orientaux. Il est probable aussi que la langue dans laquelle la bénédiction fut donnée sonna mal aux oreilles saxonnes, quoique sans doute elle ne leur parût pas entièrement inintelligible.

« Je vous demande, mes enfants, dit le prieur en élevant la voix et en faisant usage de la langue française ou de l’idiome composé de normand et de saxon, s’il n’y a pas dans les environs quelque brave homme qui, pour l’amour de Dieu et par attachement à notre sainte mère l’Église, voudra donner l’hospitalité d’une nuit à deux de ses plus humbles serviteurs ? » Il s’exprimait ici d’un ton qui contrastait singulièrement avec les expressions modestes qu’il avait jugé à propos d’employer.

« Deux des plus humbles serviteurs de la sainte mère l’Église ! répéta Wamba en lui-même ; car, tout fou qu’il était, il eut soin de ne pas faire cette observation tout haut ; je voudrais voir comment sont faits ses grands sénéchaux, ses principaux sommeliers et ses autres servants. » Après ce commentaire mental sur le discours du prieur, il leva les yeux, et répondit ainsi à la question.

« Si les révérends pères souhaitent bonne chère et bon gîte, ils trouveront à quelques milles d’ici le prieuré de Brinxworth, où leur qualité ne saurait que leur assurer la meilleure réception ; s’ils préfèrent employer une partie de la soirée à la pénitence, ils n’ont qu’à prendre ce sentier qui mène à l’ermitage de Copmanhurst, où un pieux anachorète leur accordera sans doute l’abri de son toit et le bienfait de ses prières. » Le prieur secoua la tête à ces propositions. « Mon honnête ami, lui répondit-il, si le bruit de tes clochettes n’avait pas dérangé ton esprit, tu saurais que les gens