Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/45

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à ses paroles une petite pièce de monnaie d’argent, indique-nous le chemin de la demeure de Cedric le Saxon, tu dois le connaître, et ton devoir est de le montrer au voyageur égaré, quand même son caractère serait moins respectable que le nôtre.

— Sans mentir, mon vénérable père, la tête sarrasine de votre révérend compagnon a tellement effrayé la mienne qu’elle m’a fait oublier ce chemin. Je ne suis pas sûr de pouvoir le retrouver moi-même.

— Allons, dit l’abbé, tu peux nous le dire si tu veux ; ce révérend frère a été toute sa vie engagé dans les combats parmi les Sarrasins pour recouvrer le saint Sépulcre ; il est de l’ordre des chevaliers du Temple, dont tu peux avoir entendu parler, et moitié moine, moitié soldat[1].

— S’il n’est qu’à moitié moine, reprit le bouffon, il ne devrait pas être entièrement déraisonnable envers ceux qu’il rencontre sur la route, quand même ils ne se hâteraient pas de répondre à des questions qui ne les regardent point.

— Je te pardonne ta saillie, répondit l’abbé, mais à la condition que tu me montreras le chemin de la maison de Cedric.

— Eh bien donc, reprit Wamba, vos révérences doivent prendre ce sentier jusqu’à ce qu’elles arrivent à un endroit où se trouve une croix renversée, de laquelle le piédestal est à peine debout ; vous prendrez alors à gauche, car il y a quatre sentiers qui aboutissent à la croix renversée, et j’espère que vos révérences atteindront le gîte avant l’orage qui nous menace. » L’abbé le remercia, et la cavalcade, piquant de l’éperon les chevaux, continua sa marche avec l’empressement de voyageurs désireux de gagner l’hôtellerie avant la nuit et le mauvais temps.

Comme le bruit de leurs chevaux expirait, le porcher dit à son compagnon : « S’ils suivent ta sage direction, les révérends pères n’arriveront pas cette nuit à Rotherwood.

— Non, répondit le bouffon grimaçant, mais ils pourront atteindre Sheffield s’ils ont du bonheur, et c’est un endroit assez bon pour eux. Je ne suis pas un homme des bois assez mal avisé pour indiquer aux chiens la retraite du lièvre, si je ne veux pas qu’ils l’attrapent. »

— « Tu as raison, dit Gurth ; il serait fâcheux qu’Aymer vît lady

  1. Il existe encore en Angleterre beaucoup de vieux monumens de l’ordre de ces templiers, qui échappèrent au bûcher où périt leur grand-maître, Jacques de Molay, sur la place Dauphine, à Paris, au commencement du XIVe siècle. a. m.