Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/22

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publications, et je désire les voir continuer. Ce n’est point toutefois que je prenne beaucoup de plaisir à lire des ouvrages de pure imagination, que je me laisse émouvoir par vos récits graves et imposants, ou amuser par ceux que votre intention était de rendre divertissants. Je ne vous dissimulerai point que j’ai bâillé à la dernière entrevue de Mac-Ivor et de sa sœur[1] et que je me suis tout de bon endormi pendant que le maître d’école nous lisait les facéties de Dandie-Binmont[2]. Vous voyez, monsieur, que je regarde comme au-dessous de moi de solliciter votre faveur à l’aide d’artifices qui vous sont trop connus. Si le manuscrit que je vous envoie ne vaut rien, je ne chercherai point à en relever le mérite par la flatterie, comme un mauvais cuisinier verse du beurre rance sur du poisson qui n’est pas frais. Non, monsieur ; ce que je considère en vous, c’est la lumière que vous avez parfois répandue sur les antiquités nationales, étude que j’ai commencée un peu tard, à la vérité, mais à laquelle je me suis livré avec toute l’ardeur d’un premier amour, parce que c’est la seule qui m’ait intéressé, et que je n’aurais pas donné un sou de toutes les autres.

Avant l’histoire de mon manuscrit, il faut que je vous conte la mienne, qui n’ira pas jusqu’à trois volumes ; et, comme vous avez l’habitude de mettre quelques vers en guise d’éclaireurs, j’imagine, à la tête de chacune des divisions de votre prose, en parcourant l’exemplaire de Burns, qui appartient au maître d’école, j’ai eu la bonne fortune de tomber sur une stance qui offre tout juste mon portrait. Elle me plaît d’autant plus, qu’elle avait été composée pour le capitaine Grose, antiquaire consommé, bien que, comme vous, il fût trop enclin à parler légèrement de l’objet de ses recherches :

Les combats ont été son premier élément ;
Il eût péri plutôt que de fuir lâchement.
Aujourd’hui qu’il dépose et le sac et la lance,
Il se fait antiquaire… oui… c’est le mot, je pense.

Je n’ai jamais pu découvrir ce qui, dans ma première jeunesse, détermina le choix de mon premier état. Ce ne fut point par enthousiasme ou ardeur militaire que je me mis sur les rangs pour obtenir un poste dans les fusiliers écossais, à une époque où mes tuteurs et curateurs voulaient me mettre en apprentissage chez

  1. Personnages du roman de Waverley. a. m.
  2. Personnages de l’Antiquaire. a. m.