Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/36

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cales, si l’on considère que mon oncle, excellent homme, aussi bien que bon Écossais et digne chef de notre communauté religieuse, a employé plusieurs de ses moments de loisir à m’informer de tous ces détails, et que moi-même, dégoûté de tout ce qui se passait autour de moi, je me suis amusé pendant plusieurs années à rédiger les diverses conversations que j’avais eues à ce sujet avec mon digne parent et quelques-uns des doyens de notre ordre.

— Je m’imagine, monsieur, si toutefois cette question n’est point indiscrète, que vous êtes venu en Écosse dans l’intention de vous fixer parmi vos compatriotes, puisque la grande catastrophe politique de notre siècle a supprimé vos établissements ?

— Non, monsieur, ce n’est pas là mon intention. Un monarque européen, qui chérit encore la foi catholique, nous a offert dans ses domaines une retraite, où quelques-uns de nos frères dispersés se sont déjà réunis pour appeler la bénédiction de Dieu sur notre protecteur et son pardon sur nos ennemis. Je pense que dans notre nouvel asile personne ne nous objectera le montant de nos revenus comme s’accordant mal avec nos vœux de pauvreté et d’abstinence ; mais enfin tâchons de nous montrer reconnaissants envers Dieu, qui a daigné écarter de nous le piège de l’abondance temporelle.

— Plusieurs de vos couvents à l’étranger avaient effectivement des revenus considérables ; et cependant, tout considéré, je doute fort qu’il y en eût un mieux partagé que le monastère de notre village. On dit qu’il jouissait de près de deux mille livres sterling de rente en argent, outre quatorze mesures de froment, cinquante-six d’orge, quarante-quatre d’avoine, et de nombreuses redevances en volaille, beurre, sel, laine, bière, plus, des dîmes, corvées et péages de toute espèce.

— Et c’était beaucoup trop, monsieur ; car, malgré la bonne intention des pieux donataires, ces biens temporels n’ont servi qu’à attirer sur la communauté l’envie et la cupidité des hommes qui ont fini par les dévorer.

— En attendant, les moines menaient une vie fort agréable, et, comme dit la chanson :

Tout en nous prêchant l’abstinence,
Les vendredis faisaient bombance.

— Je vous entends, monsieur. Il est difficile, dit le proverbe,