Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment divisée parmi les habitants de l’île septentrionale, on ne trouve point dans le nombre des propriétaires résidants d’hommes qui jouissent d’une fortune immense, et qui, en déployant un grand luxe, fassent sentir désagréablement aux autres l’infériorité de leur position. Par une suite naturelle de ce niveau des fortunes et du peu de cherté de la vie qui en est le résultat, je trouvai les officiers d’un régiment de vétérans, en garnison au fort Charlotte, tout désespérés à la seule idée d’être rappelés d’un pays où leur paye, insuffisante pour vivre dans une capitale, se trouvait tout-à-fait à la hauteur de leurs besoins ; il était étrange d’entendre ces fils de la joyeuse Angleterre s’attrister sur leur prochain départ des îles mélancoliques de l’Ultima Thulé.

Telles sont les particularités que je puis donner à mes lecteurs concernant l’origine de la présente publication, qui n’a été imprimée que plusieurs années après le voyage agréable durant lequel j’en ai conçu l’idée.

Le tableau des mœurs que j’ai dépeintes dans ce roman est nécessairement imaginaire jusqu’à certain point, quoique fondé sur des indications assez exactes. D’après ce qu’il est aujourd’hui, j’ai cru pouvoir conjecturer raisonnablement ce qu’était autrefois le ton de la société dans ces îles séparées de notre monde, mais intéressantes pour l’observateur.

La critique a porté sur mon travail un jugement peut-être précipité, quand elle a prononcé que Norna n’était qu’une pure copie de Meg Merrilies. Nil doute que mon esquisse ne soit bien éloignée de ce que je m’étais proposé de peindre, sans quoi on ne pourrait se méprendre aussi fortement sur l’objet que j’ai cru représenter. Et cependant je m’obstine encore à croire qu’en prenant la peine de lire avec quelque attention le Pirate, on doit trouver dans Norna, victime du remords et de la folie, dans Norna, dupe de sa propre imposture, dans cet esprit nourri de la littérature sauvage, imbu des extravagantes superstitions du Nord, qu’on y doit trouver, dis-je, un personnage un peu différent de la bohémienne du comté de Dumfries, sorcière de bas étage, dont les prétentions aux pouvoirs surnaturels ne s’élèvent point au dessus de celles d’une devineresse de hameau. On peut reconnaître, je pense, que j’ai réellement jeté les bases d’un pareil caractère, quoique je n’en aie point su tirer parti pour y établir les constructions qu’elles attendaient, et cette inhabileté seule a nécessité la présente remarque. J’avoue encore qu’il y a beaucoup d’invraisemblance