Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/41

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daunt, puisque vous voulez partir. Vous devriez boire un coup à cette heure, si vous aviez seulement trois années de plus ; mais les jeunes gens ne boivent jamais qu’après dîner ; je le boirai pour vous, car il ne faut pas violer les bonnes coutumes, sinon malheur s’ensuit. À votre santé, mon garçon ! » En parlant de la sorte, il avala un grand verre d’eau-de-vie aussi tranquillement que si c’eût été de l’eau de fontaine. Ainsi regretté et averti par tout le monde, Mordaunt sortit de cette maison hospitalière, et après avoir rappelé à sa mémoire toutes les jouissances qu’il y avait trouvées, et jeté un regard sur l’épaisse fumée qui s’élevait au dessus des cheminées, il se rappela d’abord l’éternelle solitude de Jarlshof, et compara au caractère taciturne et mélancolique de son père la chaude amitié de ceux dont il s’éloignait ; il ne put s’empêcher de soupirer, tandis que ces pensées se formaient d’elles-mêmes dans son esprit.

Les signes de la tempête firent honneur aux prédictions de Minna. Mordaunt n’avait pas encore marché pendant trois heures, que le vent, qui avait été si complètement calme dans la matinée, commença d’abord à gémir et à soupirer, comme déplorant d’avance les maux qu’il allait causer dans sa fureur, semblable à un fou dans l’état de tristesse qui précède son accès de rage ; puis, augmentant par degrés, il siffla, hurla et rugit avec toute la force d’une tempête du nord. Il était accompagné de bouffées de pluie mêlées de grêle qui étaient lancées avec une violence toujours croissante contre les montagnes et les rochers dont notre voyageur était entouré, au point de distraire son attention, en dépit de tous ses efforts, et de lui rendre difficile de voyager dans la direction qu’il voulait, à travers une contrée où nulle route et même nul sentier ne guidaient les pas de l’homme, et où on était souvent arrêté par de larges mares, par des lacs et des torrents. Toutes les eaux de l’intérieur des terres formaient alors des nappes qui, bouillonnant et couvertes d’écume, entraînées par la fureur des tourbillons et balayées par le vent, étaient bientôt transportées au loin ; de temps à autre des gouttes d’eau salée venaient frapper le visage de Mordaunt, et lui annonçaient que les eaux de l’Océan dont il était assez éloigné, étaient également bouleversées par la tempête.

Au milieu de cet effroyable désordre des éléments, Mordaunt Mertoun luttait, pour se frayer un passage, en homme habitué à cette guerre de la nature, et ne regardant les efforts qui devenaient nécessaires pour résister à sa furie que comme une marque de résolution et de courage. Il trouvait même, comme il arrive d’ordi-