Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/42

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naire à ceux qui endurent de rudes épreuves, que la peine qu’il fallait subir pour s’en tirer était en elle-même une espèce de triomphe. Distinguer et suivre son chemin lorsque les animaux roulaient du haut des montagnes, et les oiseaux même du haut des cieux, n’était pour lui qu’une preuve évidente de sa supériorité. « On n’entendra point parler de moi à Burgh-Westra, se disait-il à lui même, comme on y a parlé de la barque du vieux Ringan Ewenson, qui s’enfonça entre la rade et le quai. Je suis d’une autre trempe, et je ne crains ni le feu, ni l’eau, ni les vagues de la mer, ni les trous, ni les fondrières. » Il avançait toujours, luttant contre la tempête, suppléant au manque des signaux ordinaires par lesquels les voyageurs dirigent leur course (car rochers, montagnes et caps, tout était couvert de brouillard et d’obscurité) par la sagacité que lui avait donnée une longue connaissance de ces lieux sauvages, lieux dont il avait appris à remarquer chaque accident comme un objet qui pouvait régler sa marche dans l’occasion. Il continuait donc à faire route en avant, tantôt s’arrêtant, tantôt même se couchant à terre quand la rage de l’ouragan était à son comble, et se relevant, malgré l’orage, lorsque l’accès était passé ; il courait même d’un pas hardi en face de la tempête ; et quand cette marche directe était impossible, comme un vaisseau qui travaille à prendre le vent en virant de bord peu à peu, il marchait en louvoyant et sans céder jamais un pouce du terrain qu’il avait eu tant de peine à gagner.

Pourtant, malgré l’expérience et la fermeté de Mordaunt, sa position était fort désagréable et même précaire ; non parce que sa jaquette et ses pantalons de matelot, habillement que les jeunes gens de l’île portaient habituellement pour voyager, étaient complètement trempés ; car même sans un orage, dans un climat aussi humide, il ne fallait pas voyager long-temps pour éprouver un pareil inconvénient ; mais le péril réel était que, malgré ses courageux efforts, il n’avançait que bien lentement à travers des ruisseaux qui envoyaient au loin leurs eaux gonflées ; à travers des marais doublement fangeux, qui rendaient tous les passages plus dangereux encore que d’habitude, et obligeaient sans cesse notre voyageur à faire un circuit considérable. Rencontrant ainsi de nouveaux obstacles à chaque pas, Mordaunt, malgré sa jeunesse et sa force, après avoir soutenu un combat désespéré contre le vent, la pluie et la fatigue d’un voyage prolongé, après avoir perdu plusieurs fois sa route, éprouva un vif mouvement de joie en se trouvant en vue de la maison de Stourburgh, ou Harfra ; car on don-