Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/65

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nard sauvage, et cherchait un moyen de témoigner son indignation un peu plus efficacement qu’en paroles, et la marmite où l’oie avait cuit semblait devoir servir à l’exécution de ce projet, quand une vieille servante, à moitié morte de faim, qui partageait les soins du ménage avec miss Yellowley, et qui était restée jusque-là dans quelque coin éloigné de la maison, arriva clopin-clopant dans la chambre, et se répandit en exclamations qui annonçaient quelque nouveau motif d’alarme.

« Ô mon maître ! ô ma maîtresse ! » furent les seules paroles qu’elle put d’abord articuler ; mais ensuite elle continua : « Prenez ce qu’il y a de meilleur dans la maison ce qu’il y a de meilleur… Mettez tout sur la table, et ce sera encore trop peu… Voici la vieille Norna de Fitful-Head, la plus terrible femme de toutes les îles. — D’où peut-elle donc venir ? » dit Mordaunt, non sans paraître ressentir un peu la surprise, sinon la frayeur de la vieille domestique ; « mais il n’est pas besoin de le demander… plus le temps est mauvais, plus on est sûr de la trouver en route. — Quelle est cette nouvelle vagabonde ? « demanda Baby, que l’arrivée successive et rapide de ces hôtes avait presque rendue folle de chagrin. « J’arrêterai bientôt son vagabondage, j’en réponds, si mon frère a seulement une âme d’homme en lui, ou s’il y a une paire de menottes à Scalloway. — Le fer qui a été forgé sur une enclume ne pourra jamais la retenir, dit la vieille servante. La voilà… la voilà… Pour l’amour de Dieu, recevez-la bien et poliment, ou elle nous laissera de terribles marques de sa venue. »

Tandis qu’elle parlait, une femme d’une si haute taille qu’elle touchait presque le faîte de la porte avec son bonnet, entra dans la chambre en faisant le signe de la croix, et prononçant ces mots d’une voix solennelle : « Les bénédictions de Dieu et de saint Ronald sur la porte ouverte, et leur malédiction et la mienne sur les gens qui ferment la main ! — Et qui êtes-vous pour avoir la hardiesse de bénir et de maudire dans la maison des autres ? Quel pays est-ce que celui où les gens ne peuvent demeurer une heure tranquilles, servir le ciel et travailler à leurs petites affaires, sans que des kyrielles d’hommes et de femmes viennent frapper et mendier chez eux les uns après les autres comme une volée d’oies sauvages ? »

Le lecteur intelligent mettra facilement ce discours dans la bouche de miss Baby ; mais on ne peut se faire une juste idée de l’effet qu’il produisit sur la nouvelle étrangère. La vieille servante et