Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/114

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comblé. Quand les jeunes gens oublient leur devoir, ils doivent de sincères remercîments à l’ami qui le leur rappelle. »

Pendant qu’ils parlaient de cette manière, les domestiques, après avoir ôté les tables, apportèrent un pupitre et placèrent des chaises et des carreaux pour leur maître, leur maîtresse et le jeune étranger. Un autre siège bas, ou plutôt un tabouret, fut mis auprès de celui de maître Heriot. Quoique cette circonstance fut insignifiante, elle excita l’attention de Nigel, en ce qu’étant sur le point d’occuper lui-même ce siège il en fut empêché par un signe du vieux marchand qui lui en indiqua un autre un peu plus élevé. Une foule de domestiques et de commis appartenant à la famille, et parmi lesquels se trouvait Moniplies, se présentèrent avec beaucoup de gravité et s’arrangèrent sur des bancs.

Tout le monde était assis, et paraissait livré à un recueillement religieux, lorsqu’un coup léger se fit entendre à la porte de l’appartement. Mistress Judith regarda son frère avec inquiétude, comme pour le consulter ; celui-ci fît un signe de tête d’un air de gravité et jeta un regard vers la porte. Mistress Judith traversa immédiatement l’appartement, ouvrit la porte, et fit entrer une femme d’une grande beauté, dont l’aspect singulier et inattendu avait presque l’air d’une apparition. Elle était d’une pâleur mortelle ; aucune teinte, même la plus légère, de cet incarnat qui annonce la vie, n’animait ses traits de la forme la plus exquise, et qui, sans cette circonstance, auraient pu passer pour être d’une beauté parfaite. Ses longs cheveux noirs tombaient sur ses épaules et sur son dos ; ils étaient lisses, séparés et peignés avec soin, mais sans aucune espèce d’accessoire ou d’ornement, ce qui paraissait fort singulier à une époque où les femmes de tous les rangs portaient sur la tête une parure d’un genre quelconque. Sa robe blanche et de la forme la plus simple couvrait toute sa personne, à l’exception du cou, du visage et des mains. Sa taille était plutôt un peu au-dessous de la moyenne ; mais les proportions en étaient si régulières et si élégantes, que celui qui la regardait ne s’apercevait pas qu’elle fût petite. En opposition à l’extrême simplicité de tout le reste de son costume, elle portait un collier qui aurait pu faire envie à une duchesse, tant les diamants qui le composaient étaient remarquables par leur grosseur et leur éclat, et sa taille était entourée d’une ceinture de rubis dont le prix n’était guère inférieur.