Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.

de carton peints, pour le misérable plaisir de gagner quelques shillings, ne peut être excusable que dans l’extrême vieillesse ou dans la folie. Un pareil jeu est un cheval de bois, que tous les efforts du cavalier ne pourraient jamais faire avancer au delà de quelques pas ; c’est une espèce de machine intellectuelle, sur laquelle on peut grimper sans cesse, sans jamais parvenir à s’élever d’un pouce. D’après ces réflexions, mes lecteurs concevront facilement que je suis incapable d’apprécier l’un des plus grands plaisirs de la vieillesse, plaisir qui, bien que Cicéron n’en fasse pas mention, n’est pas la ressource la moins usitée de nos jours… c’est-à-dire le salon du club et la partie de whist.

Pour revenir à mes anciens amis, quelques-uns fréquentaient les assemblées publiques, semblables à l’ombre du beau Nash[1], ou de tout autre dandy qui, datant d’un demi-siècle, est mis de côté par la riante jeunesse, ou regardé en pitié par les hommes de son âge. Enfin, plusieurs étaient tombés dans la dévotion, selon l’expression française, et d’autres, je le crains fort entre les mains du diable. Un petit nombre trouvaient des ressources dans les sciences et les lettres ; un ou deux s’étaient faits philosophes en petit : ils passaient leur temps à regarder dans les microscopes, et s’étaient familiarisés avec les expériences à la mode ; d’autres, enfin, aimaient à lire, et j’étais du nombre de ces derniers.

Un certain éloignement pour le monde dont j’étais entouré, quelques pénibles souvenirs des fautes et des folies de ma jeunesse, une sorte de dégoût pour l’espèce humaine, me portèrent vers l’étude des antiquités, et principalement de celles de mon pays. Si je puis prendre sur moi de poursuivre le présent ouvrage, le lecteur jugera, en le lisant, si j’ai étudié avec fruit, et si j’ai recueilli quelques notions utiles sur ce qui concerne nos pères.

Je dus en partie mon goût pour ce genre d’étude à la conversation de mon digne et excellent homme d’affaires, M. Fairscribe, dont j’ai déjà parlé, comme ayant secondé les efforts de mon vieil ami dans la cause de la décision de laquelle dépendaient ma liberté et le reste de ma fortune. À mon retour, il m’avait accueilli de la manière la plus amicale. À la vérité, il était occupé trop exclusivement de sa profession pour que je fréquentasse sa maison sans craindre d’être indiscret ; et probablement son esprit était trop enfoncé dans l’étude des lois pour en sortir facilement. En un mot, ce n’était point un homme d’une instruction variée et

  1. Ce personnage était maître des cérémonies et des bals à Bath. a. m.