Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/21

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dement des troupes de la république dans le combat, avaient coutume de venir reprendre la houlette de berger quand ils déposaient l’épée, et, comme les dictateurs romains, en quittant le poste éminent où les avaient élevés leur mérite et l’appel de leur pays, de redescendre à une égalité complète avec leurs concitoyens.

C’est donc dans les cantons des forêts de la Suisse, et dans l’automne de 1472 que commence notre récit.


Deux voyageurs, l’un déjà loin du printemps de la vie, l’autre probablement âgé de vingt-deux ou vingt-trois ans, avaient passé la nuit dans la petite ville de Lucerne, capitale de l’état du même nom, et magnifiquement située sur le lac des quatre cantons. Leur costume et leur extérieur paraissaient indiquer des marchands de première classe, et tandis qu’eux-mêmes voyageaient à pied, la nature du pays rendant cette manière de voyager plus commode, un jeune paysan, né du côté italien des Alpes, les suivait sur un mulet de somme, qu’il montait parfois, mais qu’il conduisait plus fréquemment par la bride.

Les voyageurs étaient des gens de fort bonne mine, et semblaient unis par les liens d’une très proche parenté : probablement celle de père et de fils ; car, à la petite auberge où ils avaient logé le soir précédent, les marques de déférence et de respect données par le plus jeune au plus vieux n’avaient pas échappé à l’attention des naturels du pays, qui, comme tous les êtres vivant loin de la société, étaient curieux en proportion du peu de moyens qu’ils avaient de connaître les choses extérieures. Ils observèrent aussi que les marchands, sous prétexte qu’ils étaient pressés, avaient refusé d’ouvrir leurs balles ou d’offrir des marchandises aux habitants de Lucerne, alléguant pour excuse qu’ils n’avaient rien de convenable à leur vendre. Les femmes de la ville furent d’autant plus mécontentes de la réserve des marchands voyageurs, qu’on leur donna à entendre que le motif en était que les marchandises dont ils faisaient commerce étaient trop chères pour trouver des acheteurs dans les montagnes de l’Helvétie : car on avait appris, grâce au jeune garçon qui les accompagnait, que les étrangers avaient visité Venise, et y avaient acheté des objets d’une grande richesse, apportés de l’Inde et de l’Égypte à ce célèbre marché comme à une foire perpétuelle du monde occidental, et dispersés ensuite dans toutes